Ce soir, il y avait peu de monde, du moins pour l'instant. Je me suis même payé un verre, j'ai préparé mon verre, et mis le compte dans le caisse. Ouais, on a pas le droit de base, mais au moins, je paye, c'est déjà bien non ? Au moins, j'ai une bonne excuse pour pas perdre mon boulot. M'enfin.

J'ai dû servir cinq ou six shots depuis dix heures du soir. C'est pas terrible terrible, mais je n'y peux rien. Je me faisais clairement chier, et j'espérais finir un peu plus tôt, du coup. Ouais, j'espérais vraiment. Je m'amusais donc, à scruter le bar : des gens y échangeaient leur came, discrètement - enfin pas vraiment, puisque je les voyais de loin -, d'autres se bécotaient comme des adolescents en manque d'affection, tandis que certains enchaînaient les shots que je leur avais servi plus tôt. Bref, c'était une soirée banale, chiante et emmerdante.

Une brunette entrait alors dans le bar. Je savais que je l'avais déjà vue quelque part : cela me revenait. J'avais ramené cette gamine chez elle, parce qu'elle était vachement jolie mais totalement bourrée et seule. J'avais voulu en profiter, mais elle avait été assez consciente pour refuser et m'envoyer bouler. J'étais parti bredouille, comme un gros con qui venait de se faire avoir. Elle s'approchait de moi. « Bonsoir... » me dit-elle alors, simplement. Étonné, je lui répondis immédiatement, en rangeant la bouteille que je venais de sortir quelques minutes plus tôt, afin de me servir un énième verre. « Bonsoir. Tu veux quoi ? » J'espérais qu'elle prenne quelque chose, histoire de faire un peu de recette ce soir. L'argent, c'est utile.

Retirant la mèche rouge de mes cheveux, qui revenait sans cesse dans mes yeux, je devins vite agacé. Je scrutais des yeux la fille que j'avais ramené chez elle quelques jours plus tôt, et que j'avais essayé de me taper. Elle est quand même vachement belle, hein. Un peu jeune, mais pas mal du tout. J'adore. T'façon j'me tape que les jeunettes. Je ris en pensant à quel point c'était vrai. Mes dernières conquêtes étaient toutes plus jeunes que moi. Bref. Cela me plaisait, et je comptais bien continuer ma lancée... de plusieurs années.

Tandis que j'attendais de savoir ce qu'elle souhaitait boire, je préparais déjà quelques alcools, au cas-où, et profita pour servir un client. « Un monaco sil te plait.. » Un monaco ? C'était pas très très fort, comme truc. Je rangeais les alcools, qui ne serviront donc pas, et je préparais son cocktail. De la bière, de la limonade, un peu de sirop de grenadine - que j'ai dû chercher pendant au moins deux bonnes minutes. « Je voulais te remercier.. Tu sais pour l'autre soir, de m'avoir raccompagnée. » me dit-elle, alors que je préparais son verre. « Sans toi je n'aurais pas pu rentrer, merci. »  Un peu abasourdit par ses remerciments, je continuais de préparer son verre, sans un mots, m'étant stoppé pour l'entendre parler. Quelques minutes après, je lui tendis son verre, accompagné d'un petit parapluie pour faire genre que j'étais quelqu'un de soigné.

Je m'approchais d'elle, comme si nos deux regards s'étaient littéralement collés.  « C'est rien, mon chou. » Je rangeais de nouveau les bouteilles, un peu agacé de devoir toujours les sortir, les re-ranger, les sortir de nouveau, et ainsi de suite. Mais je faisais ça tous les soirs. « Alors, tu fais quoi dans la vie, ma belle, un truc de prévu pour ton avenir ? J'espère que c'est pas de te saouler comme la dernière fois, pauvre chou. » J'avais décidé de prendre ce ton afin de la distraire, puis la taquiner... ou la séduire. Certaines femmes adoraient quand on les traitait ainsi. Puis, cela me plaisait à moi aussi, alors si j'avais parlé comme il fallait, je n'avais qu'à attendre. Je souriais, bêtement.