Ca vous est déjà arrivé de vous sentir hors du temps ? Comme si vous n'étiez pas du monde dans lequel vous vous trouvez ? Ca vous est déjà arrivé de vous sentir tellement mal, tellement seul que dans votre tête, il y a une sorte de tornade de pensées sombres, au point qu'un jour, à bout de forces, vous décidiez qu'il est temps que ça s'arrête, genre, définitivement ? Parce qu'à moi, oui, ça m'est déjà arrivé et ça m'arrive régulièrement. Je regarde mon reflet dans le miroir de ma salle de bains d'hôpital puis me mets un coup de crayon noir autour des yeux, histoire d'avoir meilleure mine. J'ai bien noué mes mini-bandanas autour de mes poignets, protégeant toujours ces fichus pansements moches. J'ai le droit de sortir un peu, à condition que je rentre avant dîner, génial, ici, c'est pire qu'une prison. M'enfin bon. Le médecin débarque : « Bonjour Noah. J'ai négocié pour que tu puisses manger à l'extérieur ce soir mais attention, tu rentres pour dormir tout de même sinon on vient te chercher et, je ne pense pas que ça te fasse plaisir de te faire remarquer comme ça, n'est-ce pas...? » Qu'est-ce que vous voulez que je réponde à ça, seriously ?! Ils me surveillent comme si j'étais un terroriste ! J'enfile mon cuir, sur lequel on peut lire dans le dos, "Rebel" avec des ailes d'ange autour : « Non, non vraiment, j'ai pas qu'ça à foutre, m'faire remarquer de cette façon ! Je n'suis pas stupide ! Merci ! Puis pour vous c'pas Noah mais Gabriel, on s'connaît pas. » J'enfile un keffieh et croche un bandana à ma ceinture de jeans, laissant pendre. « J'peux y aller maintenant ? » Il sourit tristement et me fait signe de prendre la porte, ce que je fais après avoir récupéré mon sac et tous mes autres accessoires, iPod, iPhone etc... Une fois dehors, je m'allume une cigarette avant de décamper rapidement, prenant le premier bus qui vient. Je vais passer par la friperie avant d'aller me poser à un café dans le quartier mal famé. Non, je n'ai pas peur, on me respecte là-bas. Ne me demandez pas pourquoi mais, on me respecte.

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J'ai pu acheter quelques vêtements, je vais pouvoir m'occuper à l'hôpital étant donné qu'ils ne sont pas décidés à me laisser sortir avant que me mère rentre. Ouais, j'en ai pour au moins trois mois. Bordel, je vais devenir dingue ! En plus, j'ai la sale impression d'être surveillé, mais genre, même quand je vais pisser ! C'est rageant, même pire que ça... Je m'installe à une table et commande un grand Cappuccino et quelques viennoiseries. J'espère que personne ne viendra me prendre la tête. Je n'ai pas envie de parler...

J’étais tranquille. Je n’emmerdais personne et il a fallu qu’un gros con bourré vienne à ma table. Il est massif et moi je suis tout sec, sans parler que je ne suis pas au meilleur de ma forme, que voulez-vous que je dise ? Je ne suis pas une personne méchante alors, je ne dis rien et laisse pisser. De toute façon, j’en n’ai rien à faire. Les insultes, j’ai l’habitude. Les agressions physiques, j’ai l’habitude. Bien sûr, ici, les jeunes me connaissent mais les vieux, non. Alors que je m’attendais à un passage à tabac en règle, une jeune fille intervient, à ma plus grande surprise : « […] Tu veux quoi, pétasse ? » Il faudrait que j’intervienne peut-être, non ? L’autre boudin homophobe va la casser en deux si ça continue… « J’vas t’péter mon gros. » Whuuut ?! Elle n’a pas froid aux yeux la blonde, contrairement à moi… « ahahah bin oui, bin oui… » Je me décide enfin à me lever, histoire d’agir et de ne pas laisser la blonde se prendre une raclée parce que, mine de rien, le gros là, il n’a pas l’air mouche et frapper une femme semble être dans ses prédilections. « on t’a jamais apprit à parler aux femmes ? » Bon, peut-être que finalement, elle n’a pas besoin d’aide ? Néanmoins, je reste vigilant parce que, convalescent ou non, je lui rentre dans le lard s’il lève la main sur la demoiselle. Je ne supporte pas les hommes qui font ça, se croyant supérieurs en tous points alors que ce ne sont que des grosses merdes lâches et incapables. Cela peut paraître bizarre que je parle de cette façon d’un homme alors que je suis moi-même, de sexe masculin mais, en y réfléchissant, je suis homosexuel et donc, la cause des femmes m’intéresse davantage. Il reste con et silencieux à mon plus grand étonnement. « quoi ? Tu ne sais plus quoi dire ? […] Tu décâliss où j’appel ta mère, parce que j’imagine qu’un loser comme toi doit encore rester chez sa foutue mère ? » J’ouvre de grands yeux en voyant le boudin partir après avoir lâché des jurons incompréhensible. Sérieusement, je suis sur le cul. Je reporte mon attention sur la blonde et la regarde : « Il n’avait pas l’air super lucide… » Ca pour ne pas être lucide, c’est clair. Je me rassoie sans lâcher la jeune fille du regard, essayant de comprendre pourquoi elle a agi en ma faveur alors que je ne la connais ni d’Adam, ni d’Eve. « Merci… » Bien que dans le fond, je suis frustré que les gens se mêlent de ma vie. Elle aurait dû le laisser faire peut-être. Ça fait beaucoup de peut-être en peu de temps, signe que j’en ai marre de bien des choses. Et du coup, je me demande si la blonde n’est pas une espionne de l’hôpital. « J’ai cru qu’il allait t’encadrer dans le sol… t’as eu de la chance… »

« Ferme ta bouche, tu vas manger un mouche… » J’ai l’air si con que ça ? Faut croire que oui, effectivement. Je dois avoir une tête de glandu qui sort d’un trou sombre et profond. Il n’y a aucune allusion sexuelle dans mes mots, que ce soit clair ! Je ferme donc la bouche et observe la blonde devant moi : « J’ai… j’ai bien cru aussi… et de rien, je déteste voir ce genre de personne s’en prendre à d’autre. Ann, mon nom c’est Ann. » Il y en a, ils ont des chevaliers servants, preux et en armures pour les sauver, genre les princesses dans les tours gardées par un dragon, comme dans les contes de fées. Et puis, il y a les gens comme moi… Ils ne sont pas dans une tour gardée par un dragon, et ce ne sont pas des princesses. Juste des gens banals, qui ont des vies banales, comme moi et qui sont sauvés par un parfait inconnu courageux. Dans mon cas, j’ai été sauvé par une blonde courageuse qui se nomme Ann. En fait, je ne sais pas si je dois le prendre mal ou non. Je suis un garçon et c’est une fille qui m’est venue en aide. Bref, je ne vais pas me retourner le cerveau pour si peu. « Qu’est-ce qu’un garçon comme toi fout ici ? » Est-ce une réflexion en rapport avec mon style androgyne et rock, ou bien, a-t-elle deviné que j’étais homosexuel et suicidaire ? Dur de savoir. « Moi c’est Gabriel et je viens ici parfois pour que les médecins me lâchent un peu la grappe… Ils me rossent l’échine avec leur foutu thérapie de marde… D’habitude, on me laisse tranquille quand je viens, mais mes potes ne sont pas là pour diverses raisons bien qu’à mon avis, ils ont fait tellement la fête yesterday qu’ils sont raids bourrés encore… les chanceux… Et sinon toi, tu fais quoi ici ? Les jolies filles ne viennent pas dans ce quartier trop malfamé… » Je parle, je parle mais, peut-être que je ne devrais pas. Peut-être que c’est une espionne de l’hôpital qui me colle aux baskets pour une énorme somme d’argent. Ou alors, c’est peut-être un flic en civil. Il y a tout un tas d’options à disposition. Ou alors, elle me kiffe à mort et c’est une groupie… Ouais non, les nanas qui me kiffent n’existent pas dans le coin puisqu’elles savent toutes, ou presque, que je préfère les hommes et leur trilili, bien que je n’ai pas encore testé l’anal… Oulà, je sens la mauvaise humeur et la vulgarité me prendre au ventre, il faut que je me détende un peu, je ne cherche pas les ennuis.