La classe à l'américaine et la nonchalance britannique se sont rencontrés un soir dans les rues de Brooklyn. Quelques mois plus tard, dans l'euphorie d'un coup de foudre perdurant Il l'a suivie en Europe et ils se sont disputés pour se rabibocher. Se disputer tout les deux mois pour se rabibocher aussitôt, puis toutes les semaines. Dans quel monde cela a-t-il donné un enfant ? Aucune idée. Dans le monde des passions artistiques et artificielles, profondes et nocives. Ils avaient chacun une case en moins, mais ensemble ils se complétaient drôlement. Ils n'ont pas sût se décider sur le prénom de leur premier enfant, ils en ont fait un prénom composé. Elle ça lui importait peu que sa fille aie un prénom de garçon, elle disait que ça lui donnerait une puissance à la Patti Smith : masculine, féminine : érotique. Lui était fan des Velvet', Nico était une évidence. Terrence-Nicola a été leur bijou huit années durant, jusqu'à ce qu'un second Sedgwick pointe son nez. Il s’appellerait Rose. Peut-être qu'ils auraient dû inverser les prénoms, peut-être que leur envie de petit garçon s'était reflétée en Nico et l'envie d'une petite fille en Rose. Mais en fait ils étaient juste excentriques et ne répondaient qu'aux règles qu'ils avaient eux-mêmes établis. Deux ans après la naissance de Rose quelque chose s'est brisé. Ils n'étaient plus quatre mais trois. Pas de drame, juste un départ, inexpliqué ou du moins inexplicable. Un caprice, une frayeur, quelque chose de puérile et d'égoïste. Elle s'est retrouvée seule avec deux marmots qui portaient les yeux azurs de l'homme qu'elle avait aimé plus qu'elle m'aime et qui l'abandonnait à présent car il s'aimait lui-même plus que tout le reste. Deux ans plus tard encore, quand Nico atteignait 12 ans et Rose 4, la mère célibataire se décida à bouger tout son petit monde à Londres, s'éloignant ainsi de sa famille, espérant se reconstruire, fonder quelque chose d'autres, trouver de nouveaux horizons. Mais Il était son équilibre, Il était ce qui lui faisait oublier son esprit malade composé en une binarité nocive. Sans lui elle s'est oubliée comme elle en a oublié ses gosses. Démissionnaire, femme-enfant, Nico a peu à peu pris son frère sous son aile, puis les rennes de la maison elle-même. Elle a fumé trop jeune, elle s'est arrachée les cheveux, elle vécut sa crise d'adolescence tout en grandissant trop vite, créant un séisme étrange en elle-même. Elle s'est parfois reconnue en sa mère, ça lui donnait envie de vomir. Dès qu'elle a pût elle a travaillé, elle a mêlé passion et devoirs comme possible, trouvant tout les moyens possible sans trop gâcher d'honneur pour gagner l'argent que leur mère gaspillait. A l'aube de ses 19 ans une bagarre a éclatée lorsque Nico en a eut marre des penchants suicidaires de sa génitrice et de ses tentatives adolescentes répétées, les deux femmes de la maison se sont violemment disputées. A l'aube de ses 21 ans Nico a dit merde. Elle a appelé sa grand-mère pour que celle-ci prenne soin de sa mère et est partie. Chez des amis quelques mois avant de quitter le continent dès que possible, en quête d'une paternité d'un nouveau genre : non représenté par la personne mais plutôt par le territoire. Un territoire qui coulait aussi dans leurs veines, un territoire loin des crises de leur mère, loin des junkies alliés de Nico, un territoire porteur de rêves et d'espoirs.

Petits boulots, création artistique, études -merci la bourse- et "éducation" de son frangin ont été ses principales activités. Et une chose une seule la tira d'une spirale passive agressive de drogue , ni le petit public qu'elle commençait à toucher, ni un amour de jeunesse, ni les frasques de son frère, mais la grossesse. A 27 ans, après deux années passées en tant que prof intervenante à l'université, Nico tombe enceinte et c'est un tourbillon d'émotions inconnues. A 27 ans Nico accepte de ne plus jouer à la maman mais bien d'en être une. Peu de temps après avoir apprit la nouvelle de l'arrivée d'une nouvelle vie, une autre s'éteint : c'est un coup de fil made in UK qui l'informe du décès de leur mère et Nico ne peut se rendre aux funérailles à cause du stade de sa grossesse. C'est Grand Mère qui vient aux USA pour apporter son soutien à ses petits enfants et jouer le rôle de mère auprès de sa petite fille. Sans se douter que celle-ci en aurait plus besoin que jamais car elle ne gardera son enfant quelques mois après sa naissance avant que ce dernier ne s'éteigne prématurément, subitement. Et ça l'a détruite. Elle prend ça comme une punition du karma pour avoir dû avorter deux fois à 17 et 24 ans.
Nico stoppe un temps son travail, se renferme sur elle-même, créé à la maison et seule sa maison en profite. Au bout d'un an elle n'a pas remit les pieds à l'université. Elle se lance "provisoirement" dans la confection de crème glacées artisanales, ce que Rose ne manquera pas de trouver pathétique. Sa soeur rabaissée à un tel niveau, il exprime de manière exécrable sa crainte de voir son unique modèle devenir aussi inutile que leur parents.
Elle a 29 ans Nico lorsqu'elle rencontre Absolem. Elle en a presque 31 lorsqu'elle le plaque alors qu'il la demande en mariage.