YOU LOOK FAMOUS LET'S BE FRIENDS & PORTRAY WE POSSESS SOMETHING IMPORTANT;

❥ ❥ ❥ Ce soir, soirée au QG. Pour l’occasion, j’enfile ma chemise la plus virile, slide tant bien que mal dans un jeans slim noir et dissimule mes chaussettes dépareillées dans mes bottines noires assorties à mon perfecto avant de choper mon téléphone, mon porte-feuille, mon polaroïd et quand je quitte mon appartement pour descendre dans la rue, je suis la plus belle pour aller danser et mon taxi est là, en train de m’attendre.

Quand j’arrive sur place, l’endroit est plus ou moins bondé, la musique me fait doucement hocher la tête et les gens sont élégants. Tout est parfait, comme d’habitude à la Coton Candy Machine, jusqu’à ce que je réalise sur quoi porte l’exposition. Et le rêve, soudainement, se transforme en cauchemar.

Que ce soit au rez-de-chaussée, au sous-sol où à l’étage, l’expo s’étale de partout et il n’y a pas un endroit où je peux me mettre à l’abri. Partout sont disposés des œuvres faites de porcelaine. J’ai beau être grand et longiligne, je suis aussi ce à quoi ressemblerait la maladresse si elle prenait forme humaine.

Je me sens rapidement à l’étroit. J’essaye de trouver un coin dans lequel me réfugier qui soit à une proximité respectable de n’importe quelle exposition. Je fais quelques rencontres, accepte un cocktail alcoolisé (juste un), prends quelques photos çà et là, immortalisant toutes les belles choses que mes pupilles rencontrent... jusqu'au plafond. Parce que hey, même le plafond de cette galerie possède une certaine classe.

Et prendre un polaroïd de ce dernier est ce qui fait ma perte. En faisant un pas en arrière pour avoir une vue assez large du sommet de la galerie dans le petit objectif de mon appareil, ma hanche cogne contre quelque chose, rapidement suivi d’un bruit d’éclat et lorsque je me tourne, une tasse est là, brisée en mille morceaux au sol, entre mes bottines et les chaussures de quelqu’un d’autre.

Tasse, du coup, qui manque à présent à la collection alignée sur une espèce d’étagère en verre habillée de multiples prismes desquels s’échappent des spectres lumineux créant des ombres et des arcs-en-ciel. Puisqu’il y manque une tasse à l’appel par ma faute, je suppose que ça explique pourquoi le truc ressemble plus à grand-chose désormais.

Je mords ma lèvre inférieur en levant les yeux vers la personne qui m’assiste et qui partage la même expression d'horreur que moi devant les dégâts et surgit de nulle part ce que je devine être la propriétaire de l’œuvre, complètement hors d’elle face à la casse. Je me prépare mentalement à m’en prendre plein la tronche quand à ma grande surprise, c’est la fille qui a simplement assisté à la scène qui subit la colère de l’artiste, générée par ma maladresse. Oh-oh.

Maintenant, la question qui se pose, c’est… assumer ou fuir?
La seconde c’est : est-ce que la fille va me couvrir et se laisser blâmer à ma place, ou actuellement me remettre toute la faute sur le dos (ce qui serait juste mais franchement pas coolos de sa part)?

Help.

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❥ ❥ ❥ « J'suis désolée. Je voulais pas.. j'ai vraiment pas fais exprès, » dit-elle lorsque la tempête passe et j’ouvre la bouche en voyant qu’elle prend pour moi sans broncher. Les bons samaritains se font rares de nos jours, dans ce monde de brutes et ça fait plaisir à voir. « Ca valait combien ? 500 dollars ? J'vous en offre 375.. j'peux pas plus, mais je veux vous dédommager. » Mmmm, par contre là, ça va trop loin. Il est hors de question qu’elle paye pour moi, pour ça, surtout. Fin, l’art, c’est beau, la porcelaine aussi et cette expo est vachement cool, mais si j’avais eu les cojones de me dénoncer à sa place, j’aurais très certainement réussi à m’en sortir sans avoir à y mettre de l’argent. 375 balles pour une tasse… j’peux pas laisser passer ça. Je lève le doigt, prêt à intervenir et finalement avouer que c’est ma faute, mais c’est trop tard, l’artiste s’en va. Avec l’argent entre les mains. Et quand je repose mon regard confus sur la fille, elle me sourit, ce qui fait que je suis encore plus confus.

Je m’approche d’elle et tends la main pour qu’elle la serre avant de serrer le poing, renonçant à ce geste que je juge être un peu trop formel, hausse les épaules avant de carrément la prendre dans mes bras pour un bref instant. C’est certainement pas approprié, j’en suis bien conscient, mais son geste représente beaucoup pour moi et pour ma maladresse. Maladresse qui a désormais un prix. 375 dollars. « Très peu de personnes auraient fait ça pour un parfait inconnu, merci beaucoup, merci, merci, merci » je souffle en la lâchant finalement, reculant d’un pas et laissant mes bras tomber le long de mon corps. « Je sais pas quoi dire. C’est complètement dingue. Est-ce qu’il y a un moyen de te rendre ce que tu as fait pour moi? Oh, um. Désolé… je peux te tutoyer, pas vrai? »

Nous sommes séparés par le hippie et ce qui semble être une employée de la galerie, pelle et balayette en main. L’employée se baisse pour rassembler les petits morceaux de porcelaine dans la pelle et le hippie, qui est en fait un homme, maintenant que je le vois de plus près, sous sa masse capillaire longue et blonde et dans ses vêtements colorés et amples, lance un regard noir à ma super-héroïne avant de placer une tasse toute neuve sur son étagère, à la place de l’ancienne, qu’il bidouille de manière à ce que la lumière réfléchisse sur cette dernière, comme elle le faisait sur la précédente, pour rendre son œuvre complète de nouveau.

OK. Donc concrètement, le type s’est énervé pour quelque chose de parfaitement remplaçable et a raflé près de 400 dollars alors que c’était absolument pas nécessaire. « Eloignez-vous de mon exposition, on voudrait pas un autre accident, » lance-t-il, les yeux rivés sur la jolie brunette au manteau style seventies. Le chèque dépasse un peu de sa poche et lorsqu’il s’éclipse avec l’employé, je me tourne immédiatement vers ma nouvelle acolyte, l’air déterminé. « Scandaleux. Il faut récupérer ce chèque. »