Ça fait beaucoup trop longtemps que je suis ici. Trois semaines, pour être plus exacte. Les murs blancs et aseptisés de l'hôpital commence à me donner mal à la tête. Remarque, j'ai toujours mal à la tête, ces derniers temps. C'est un effet secondaire des médicaments qu'on me donne, il paraît. Je m'ennuie terriblement ici. Je ne peux pas bouger. Je suis encore trop faible pour ne serait-ce que me lever debout. Les docteurs ne savent pas si c'est à cause de la trop grande quantité de sang que j'ai perdu ou bien un stress post-traumatique. Sûrement les deux. Du coup, je n'ai rien d'autre à faire que de réfléchir. Personne ne vient me visiter. Mes parents ne doivent même pas savoir que je suis ici. On m'a demandé si je voulais les contacter. Je ne voulais pas. Ils auraient sûrement raccrocher tout de suite en sachant qu'il s'agissait de moi. Je n'ai donc personne pour me visiter ou bien pour m'emmener des livres à lire. Quoi que je n'aime pas vraiment la lecture, mais c'est mieux que de ne rien faire. Et je donnerais n'importe quoi pour un peu de musique. De bonne musique.

Du coup, je réfléchis. C'est drôle de penser que pratiquement tout le sang qui circule dans mon corps en ce moment n'est pas le mien. Il faudrait que je demande au médecin en combien de temps le sang se régénère. Peut-être que mon propre sang a déjà complètement remplacé celui des donneurs. Il en a fallut beaucoup, à ce qu'il paraît. En plus de réfléchir, je rumine. Comment en suis-je arrivé là? Comment j'ai pu faire confiance à ce connard? Comment j'ai pu l'aimer? J'ai été complètement idiote.

C'est d'ailleurs à quoi je pense en ce moment. Ça fait déjà une heure que je pense à lui. Je sens la rage monter en moi. J'ai la mâchoire qui fait mal tant j'ai les dents serrés. Et puis j'explose. Il va payer. Il va sévèrement payer. D'un bond, j'essaie de me lever. Je ne réussi qu'à choir au sol, faisant crier les moniteurs qui me sont reliés. Eh merde. Au sol, j'essaie de me relever, mais je n'arrive qu'à mettre mes bras face au sol. J'en ai marre. Je veux juste retourner chez moi. Retrouver ma vie d'avant. Mais quelle vie? Je n'ai plus rien. Il m'a tout pris. Des larmes de colère que je n'arrive pas à retenir coulent sur mes joues alors que j'entends des pas venir vers moi. Sûrement une infirmière qui vient voir pourquoi mes moniteurs sonnent. Je vais encore me faire sermonner, c'est certain. Ce n'est pas la première fois que ce genre de situation se produit.

J'entends les pas qui se rapproche de plus en plus. J'essaie de bouger mais je n'arrive qu'à me rendre encore plus ridicule que je ne le suis déjà. Je n'aurais jamais cru qu'un jour, je ne parviendrais plus à marcher. C'est assez atroce comme sentiment. Pas autant que le sentiment de trahison et de honte qui m'habite, mais c'est paniquant. S'il y a un feu dans l'hôpital, s'il y a quoique ce soit, je ne peux même pas courir pour sauver ma peau. L'infirmière est entrée dans la chambre. Je sais à ses pas qu'il s'agit d'une femme. Le bruit est trop léger pour un homme. Et puis j'entends un « hey » tout en douceur. C'est la voix de Nirvana, je la reconnais.

Nirvana est bien la seule personne que j’apprécie dans cet hôpital. Elle est gentille avec moi et pas sévère. Elle ne m'en veut jamais lorsque je pique une crise, lorsque je ne veux plus prendre mes médicaments où lorsque je cris que je veux rentrer chez moi. Elle ne me traite pas non plus comme un enfant. Elle semble la seule à vraiment vouloir mon bien. Malgré mon désespoir du moment, je suis contente de savoir que c'est elle et non pas une autre infirmière. Je tente d'arrêter les larmes de couler, mais je n'y arrive pas. Je ressens encore la chaleur de la colère dans ma poitrine. Je vois à peine Nirvana lorsqu'elle s'accroupit à mes côtés. Je n'arrive pas à tourner la tête suffisamment. L'attention qu'elle me porte me touche. Je me contente de grogner légèrement pour répondre à sa question. La honte me tord les entrailles. Je n'arrive pas à parler. Je ne pouvais pas lui dire que oui, je m'étais fait mal en tombant, simplement parce que je ne pouvais pas me retenir de rester dans ce stupide lit.

Je sens les mains de Nirvana qui m'aide à me relever. Je n'aime pas ça. Je ne supporte plus d'être touché, mais si je ne la laisse pas faire, je vais rester coucher par terre avec mes moniteurs qui crient comme pas possible. Lentement, beaucoup trop lentement, elle parvient à me faire me recoucher dans mon lit. Une fois revenue dans cette position si familière maintenant, je pousse un énorme soupire. J'en ai marre. Je veux partir. Je dois retrouver ce salaud. Mais je ne peux pas et cela me fait encore plus pleurer de rage. Je renifle. Je fixe mon regard sur celui de Nirvana. Peut-être que son visage si doux m’apaiserait. Oui, ça fonctionne un peu. Je sens que je me calme... Un tout petit peu.

« Si ça irait, je ne serais pas ici. »

Je ne voulais pas être désagréable avec elle, mais je n'ai pas pu me retenir de lui répondre d'un voix un peu trop agressive. Ce n'était pas sa faute à elle si j'étais ici. Non, c'était sa faute à lui. Et la mienne. Je serre encore les dents. Ma mâchoire est toujours douloureuse.  Soudainement, je baisse le regard, honteuse.

« Désolée. »

C'était sincère, même si ça n'en avait pas l'air. Je crois que, dans toute l'hôpital, il m'y a que Nirvana qui peut savoir que je ne suis pas simplement qu'une victime aigri. Enfin, si, je suis une victime aigri, mais j'essaie très fort de mieux me comporter. Seulement, avec ces stupides infirmières, ce n'était pas évident. Je remonte mon regard vers Nirvana. Je soupire à nouveau, un moniteur n'ayant pas encore arrêter de crier.

« Je crois que j'ai presque arraché ma perfusion. »