Lost and found

Presque onze heures du soir. Tu soupires en rangeant ton téléphone dans la poche droite de ton jean. Tu termines ton verre rapidement, puis te lèves, décidant de partir à la recherche des amis avec lesquels tu étais arrivée, quelques heures plus tôt. Tu risques d'en avoir pour un moment, avant de les trouver, vu le monde présent ce soir, à cette fête organisée par tu ne sais même plus qui. L'alcool coule à flot, mais pour une fois, tu n'en bois pas tellement. T'as pas envie de boire, ce soir. Tu t'ennuies même un peu, sans que tu ne saches trop pourquoi d'ailleurs. Tes amis sont partis chacun de leur côté, dès votre arrivée ici. Pas un n'est resté avec toi, te laissant seule, te retrouvant parfois, avant de repartir rapidement. Et dire que tu croyais que vous iriez ensemble à cette soirée, tu ne pensais pas qu'ils se sépareraient tous sitôt arrivés. Tant pis. T'as essayé de t'amuser un peu, quand même. T'as retrouvé deux ou trois connaissances, parfois des amis, qui fréquentent souvent les mêmes soirées que toi. Parfois, ce sont des étudiants de Columbia, comme toi ; alors tu les retrouves de temps en temps – et ce n'est pas pour te déranger, tu les apprécies. T'as bu un peu aussi, mais t'en avais pas tellement envie ce soir. Tu ne t'amuses pas, tu t'ennuies même un peu. T'as les idées noires, ce soir. Tu l'admettras pas, tu n'en parleras pas. Mais c'est la vérité. Tu ne voulais pas y penser. Tu ne voulais pas qu'il gagne, pas encore une fois. Mais Aidan est toujours plus fort que toi, tu perds toujours face à lui. C'est sans doute pour ça, que tu t'es faite avoir tant de fois, que t'es revenue le voir tant de fois. Et lui, il se foutait juste de toi. T'aurais dû le voir, t'aurais dû le savoir. C'était terminé entre vous, définitivement fini, il l'avait dit. Tu t'étais dit que ça passerait ; ça prendrait du temps, mais ça passerait. Ça passe toujours. Tu t'étais dit que tu l'oublierais. Tu l'aurais fait, s'il n'y avait pas eu cette soirée, une fois, où tu étais invitée – et lui aussi. Si tu avais su... tu n'y serais pas allée. Ou peut-être que si. Si, évidemment, tu y serais allée. Simplement pour l'apercevoir, même rapidement, même brièvement. T'étais juste amoureuse, malheureuse. Alors, tu y es allée. T'es allée te jeter dans la gueule du loup, t'es retombée dans ses filets. Il t'avait jetée, tu y étais retournée. Alors, oui, t'es à nouveau faite avoir, en partageant sa nuit. Une fois, deux fois. Plein de fois. « Jusqu'au jour où ». T'es tombée sur Willa, sortant de chez lui. Willa, elle s'était bien foutue de toi. Elle s'était dit ton amie, ta meilleure amie. Et elle t'avait poignardée dans le dos. Amie ? C'est ça. Elle savait tout, tout de tes sentiments pour Aidan, bien que tu n'en parlais pas. Elle, qui te soutenait tellement, te conseillant, te rassurant, elle t'avait trahie, avait fait la chose qui te touchait sans doute le plus. Mais maintenant, c'est du passé. Willa n'existe plus pour toi.

Tu tentes de te frayer un chemin, entre les étudiants saouls buvant encore un nouveau verre, et ceux dansant ou s'embrassant – sans doute un peu ivres, certains encore. Tu évites de justesse un garçon qui sembles sur le point de vomir tripes et boyaux. Tu avances dans la pièce, qui ressemblerait presque à un champ de bataille, avec quelques corps allongés sur le sol. Tu ne sais même plus vraiment ce que tu cherches, qui tu cherches. C'est alors que tu aperçois une chevelure brune. Tu aurais sans doute continué ton chemin, si tu n'avais pas vu une partie du visage de la demoiselle à qui appartenaient ces cheveux. « Nirvana ? » demandes-tu, alors que tu la vois à présent de face. Tu es pratiquement certaine que c'est elle, même si elle a quelque peu changé depuis la dernière fois où tu l'as vue.

acidbrain