Les derniers jours  écoulés étaient plutôt calmes chez les Brant. Un calme plutôt inhabituel, mais reposant pour Olivia. Elle était heureuse de voir que les choses semblaient apaisées entre elle et sa fille, même si c’était essentiellement en surface. Elle savait qu’à un moment ou à un autre, le chaos habituel de leur vie reprendrait, probablement à la prochaine sortie de la jeune fille, ou à la prochaine lubie qu’elle aurait. Elle essayait, pourtant, de se montrer conciliante. Mais elle n’y arrivait pas. Elle avait peur, la peur démesurée que tout ne finisse par mal tourner pour Nirvana. Après tout, même si elle n’en avait certainement pas conscience, elle tenait de sa mère pour beaucoup de choses. Alors, elle pouvait bien finir par avoir cette même tendance à l’autodestruction qu’elle… C’était ce qu’elle redoutait le plus, en fin de compte, que sa fille finisse par trop lui ressembler. Elle avait ce truc étrange, Olivia. Quand elle se donnait, c’était trop, à l’excès. Il suffisait de voir le comportement qu’elle avait avec sa fille pour le voir. Elle avait cette flamme en elle, cette passion qui ne demandait qu’à sortir. Mais lorsque c’était le cas, elle allait loin, dangereusement loin. Alors elle faisait l’inverse. Elle se retenait, elle se cantonnait à ce rôle presque glacial, alors qu’au fond, elle avait un feu en elle qui ne demandait qu’à jaillir. Et qui le ferait sans doute, un jour. Personne ne pouvait renier éternellement sa personnalité, et elle ne faisait pas exception à la règle. Seulement, pour le moment, sa vie était sous contrôle, et c’était tout ce qui lui importait. Mieux encore, les choses se passaient bien avec Nirvana. La jeune femme était même restée auprès d’elle une bonne partie de la soirée, un moment très simple devant un film mais qu’elle avait pris la peine d’apprécier à sa juste valeur. Ils étaient trop rares pour qu’elle n’en profite pas. Finalement, la soirée avait été interrompue par un coup de fil sur le portable d’Olivia. Il s’agissait de l’un de ses clients, un de ceux dont elle ne pouvait pas vraiment se permettre de refuser l’appel. S’excusant auprès de sa fille, l’avocate avait fini par sortir pour répondre. Dès le départ, elle sentit un malaise l’envahir en entendant son interlocuteur lui expliquer son problème. Il s’agissait d’un homme accusé de harceler l’une de ses anciennes petites-amies. L’affaire était allée plutôt loin, si bien qu’un procès était en cours. Et cet abruti n’avait rien trouvé de mieux à faire qu’aller sonner chez la jeune femme en question. Elle voulait bien défendre quelqu’un qui allait trop loin sans en avoir conscience, mais concrètement, qu’est-ce qu’elle pouvait faire, là ? Surtout qu’elle l’avait prévenu qu’il devait impérativement se tenir à l’écart. Le pire, c’était que son client commençait à s’emporter en affirmant que c’était son rôle à elle de le défendre. Bien sûr. S’irritant à son tour, elle finit vite par se mettre en colère également, alors que le ton de la discussion montait. Au bout d’un bon quart d’heure, Olivia décida d’écourter la conversation en invitant le jeune homme à venir à son cabinet le lendemain. Raccrochant sans vraiment le saluer, elle poussa un soupir avant de regagner sa demeure. Visiblement, Nirvana en avait eu assez d’attendre. Soupirant à nouveau, l’avocate saisit automatiquement son sac à main pour en sortir une cigarette ainsi que son briquet. L’allumant d’un geste mécanique, elle inspira une première bouffée tout en fermant les yeux. Ça, au moins, ça la calmait. La porte d’entrée du loft ouverte, la tête posée contre l’embrasure, elle prenait garde à ce que la fumée n’envahisse pas l’intérieur tout en essayant de faire le vide dans son esprit.

C’était l’une de ces soirées, bien trop rares, mais d’autant plus précieuses, que mère et fille partageaient. Sans haussement de voix, sans dispute, sans reproche. C’était tellement agréable, d’avoir l’impression de retrouver Nirvana, ne serait-ce que quelques heures. C’était même étrange à quel point elles pouvaient passer de si bons moments, avant de se disputer aussi violemment qu’elles savaient le faire, toutes les deux. Peut-être parce qu’elles avaient chacune leurs caractères, entrainant des divergences, mais qu’en fin de compte, elles s’aimaient malgré tout. Et ça faisait du bien de s’en souvenir. Olivia aurait simplement aimé que ce genre de soirées arrive plus souvent. Dans son esprit, cela dépendait surtout du bon vouloir de sa fille, de son envie de sortir ou non. Même si, quelque part, les réactions de chacune étaient influencées par celles de l’autre. Ce soir, c’était parce que Nirvana avait décidé de rester auprès d’elle qu’Olivia s’était montrée plus ouverte, plus chaleureuse. Et indéniablement, cela avait poussé sa fille à faire preuve d’une tendresse qui lui faisait du bien. Elle savait qu’elle était comme ça, Nirvana. Même quand elles se disputaient, même quand elles se déchiraient, elle n’oubliait pas que derrière le petit démon qu’elle pouvait être, il y avait cette partie angélique en elle. Et justement, c’était cette facette d’elle qu’elle tenait à tout prix à préserver, parce qu’elle avait la sensation d’avoir elle-même perdu ce côté-là depuis longtemps. Quoi qu’il en soit, c’était rassurant pour la jeune femme de se dire que tout n’était pas perdu entre elles. Leur relation avait ses failles, mais elle pouvait se montrer merveilleuse, comme elles avaient pu le ressentir ce soir. Malheureusement, ce moment entre mère et fille fut écourté par l’appel de ce client. Un appel dont elle se serait bien passée parce qu’en plus d’interrompre sa soirée, il avait réussi à l’irriter. Retrouvant un peu de calme une fois sa conversation téléphonique terminée, l’avocate avait instinctivement attrapé son paquet de cigarettes, pensant sa fille endormie. Elle était en train de fumer, la tête tournée vers l’extérieur pour y laisser échapper la fumée, lorsqu’elle entendit subitement la voix de Nirvana. Ne s’attendant absolument pas à se retrouver face à elle, la trentenaire sursauta. Levant les yeux vers elle, elle entrouvrit ses lèvres durant quelques secondes, comme choquée par son apparition soudaine. Alors ça, ce n’était pas prévu, mais alors vraiment pas du tout. C’était le genre de choses qu’elle ne tenait absolument pas à ce que sa fille apprenne. Elle faisait tellement attention à l’éviter qu’elle n’avait jamais imaginé que cela arriverait un jour, si bien qu’elle resta interloquée un petit moment, poussant Nirvana à reprendre la parole. Ce fut en l’entendant s’offusquer qu’elle finit par réagir. Eteignant précipitamment le mégot, elle ferma la porte avant de s’en débarrasser dans la poubelle la plus proche tout en répondant enfin. – Ce n’est pas ce que tu crois, chérie. Mais oui, Olivia. Elle va te croire, là. Si, si, c’était bien ce qu’elle croyait. Sa mère fumait, alors qu’elle lui avait toujours expressément interdit de ne serait-ce que regarder une cigarette. Elle avait un point de vue très tranché sur le tabac… Tout du moins concernant sa fille. Elle… C’était plus compliqué. Olivia n’était pas une femme parfaite. Elle en était même loin, très loin de cette image qu’elle avait toujours eu auprès de sa fille. Une image à laquelle elle tenait, simplement pour avoir un minimum de crédibilité dans son rôle de mère. Mais une image qui allait peut-être se ternir un peu, parce que la jeune fille semblait réellement sous le choc. A son plus grand malheur. S’approchant d’elle, cet air vraiment gêné et presque coupable sur le visage, la belle brune tenta de se rattraper. – Je t’assure que je ne fume pas… Je veux dire, pas régulièrement. Tu sais très bien ce que je pense du tabac. Tu t’enfonces, Olivia. Etrangement, c’était comme si les rôles s’étaient inversés, subitement. C’était même risible, parce qu’au fond, elle avait caché ça à sa fille comme une ado l’aurait fait à sa mère justement, alors qu’elle était adulte et censée faire ce qu’elle voulait… Mais il y avait certaines choses qu’elle ne préférait pas que Nirvana sache, et celle-là en faisait partie.

Très sincèrement, elle n’en menait pas large à ce moment, Olivia. Elle se retrouvait dans une situation qu’elle n’avait jamais envisagée, si bien qu’elle était profondément troublée, peut-être même autant que sa fille. L’avocate assurée et inébranlable qu’elle était avait plutôt la sensation de se retrouver à la place d’une gamine prise en flagrant délit en train de faire une bêtise. Et c’était un peu ça, à la vérité. L’image qu’elle renvoyait aux autres était importante pour elle, même si elle était faussée, même si elle ne révélait pas toute la complexité de sa personnalité. Même si, oui, ce n’était qu’une imagine. Mais celle qu’elle avait aux yeux de Nirvana, c’était bien celle qu’elle aurait été prête à préserver à tout prix. Seulement, tout allait probablement être remis en question, maintenant que la jeune fille avait appris l’un de ses trop nombreux secrets. Elle avait conscience qu’elle risquait de passer pour une véritable hypocrite à présent. C’est vrai qu’elle pouvait paraître culottée d’exiger autant de sa fille alors que, de son côté, elle était bien loin de cet idéal qu’elle prônait pourtant. Elle n’était pas une femme parfaite, ni la meilleure de toutes, mais elle voulait simplement être la meilleure maman possible, était-ce un mal ? Mais si elle jouait à merveille le rôle de la mère bien sous tous rapports, elle avait bien plus de difficulté à réagir maintenant que Nirvana avait compris que ce n’était pas le cas. Avalant difficilement sa salive en entendant les questions successives de celle-ci, Olivia ne savait même pas quoi lui répondre. Sérieusement, ça lui servait à quoi d’être avocate si elle ne parvenait pas à se défendre elle-même face à sa fille ? La voyant s’énerver, elle restait étonnamment calme quant à elle, parce qu’en réalité, elle était surtout embarrassée par la situation. Mais la voyant subitement lui prendre la main avec délicatesse, elle la regarda, surprise. Elle s’attendait à tout, sauf à ça. Elle imaginait déjà Nirvana en train de péter un câble sur elle, à lui cracher au visage qu’elle s’était bien fichue d’elle avec sa morale alors qu’elle fumait derrière dos – Et encore, elle aurait pu apprendre bien pire sur sa mère. Mais non. La jeune femme se montrait d’un calme incroyable tout à coup alors qu’elle reprenait la parole d’un ton bien plus doux et compréhensif. Elle cherchait quoi, là ? A la mettre à l’aise pour qu’Olivia lui dise tout afin d’avoir tous les éléments en main pour pouvoir mieux s’énerver après ? Bon, certes, elle était un peu parano sur les bords, mais il fallait dire que sa fille savait être imprévisible… La preuve. Se mordant doucement la lèvre, la belle brune la suivit jusqu’au canapé sans dire un mot. Sans savoir ce qu’elle allait dire non plus. A la vérité, elle aurait préféré s’abstenir d’un moment confession parce que… Non, ce n’était pas sa spécialité. Elle n’aimait pas se mettre à nu, que ce soit devant sa fille ou n’importe qui. Ce n’était pas pour elle, voilà tout. Mais elle était forcée de reconnaitre que Nirvana faisait un effort considérable pour la comprendre, alors elle allait éviter de faire preuve de mauvaise foi en ne saisissant pas la perche qu’elle lui tendait. La regardant plusieurs secondes sans rien dire, Olivia baissa finalement les yeux alors qu’un sourire gêné se dessinait sur ses lèvres. – Je dois avouer que tu m’impressionnes. commença-t-elle sans cacher sa surprise quant à sa réaction, alors qu’elle relevait finalement le regard en direction de son interlocutrice. Elle cherchait ses mots, pour qu’ils soient les plus faciles à entendre, mais surtout à prononcer sans doute. – Ce paquet, je l’ai acheté la semaine dernière. Je peux m’en passer, je ne fume que lorsque j’ai besoin de me détendre, je te le promets. Si je ne l’ai jamais fait devant toi, c’est parce que je n’ai certainement pas envie que tu prennes ce genre d’habitudes…

Peut-être avait-elle choqué sa fille ce soir, surement dans le mauvais sens, mais celle-ci l’avait agréablement surprise de par sa réaction. Olivia était bien forcée d’admettre qu’elle faisait preuve d’une compréhension à laquelle elle ne se serait jamais attendue. Entendons-nous bien, elle n’inversait pas les rôles. C’était elle la mère, et elle n’était pas du genre à avoir peur des réactions de sa fille, ni même à demander son approbation pour quoi que ce soit. Seulement, ce n’était pas anodin. Il y avait de quoi perturber Nirvana qui avait appris quelque chose qui, mine de rien, avait son importance chez l’avocate. Pas seulement parce qu’elle avait besoin de fumer, de temps en temps, mais aussi parce que c’était la première fois qu’elle voyait véritablement une faille chez sa mère. Olivia n’était pas le genre de femme qui aimait montrer ses faiblesses, ses doutes ou ses craintes. La vie lui avait appris à être forte. Et même si, peut-être, se reposer sur quelqu’un de temps à autre lui ferait le plus grand bien, elle avait du mal à se laisser approcher. Les hommes ? Elle n’en voulait pas vraiment. Elle se contentait, quand l’envie lui en prenait, d’aventures sans conséquences, sans risque simplement. Etrangement, cela ne lui manquait pas. Peut-être parce que sa fille comblait ce manque affectif, même si, fatalement, elle ne pourrait surement pas le faire éternellement. Mais elle l’aimait, et cela lui suffisait. C’était aussi pour cette raison que la jeune femme se sentait aussi réticente à l’idée de se confier sur ce qu’elle avait sur le cœur. Elle n’avait pas envie de ternir son image auprès de sa fille. Elle avait tellement dû supporter les défaillances de son père, que quelque part, elle avait trop peur de reproduire la même chose avec Nirvana. Elle ne voulait pas qu’un jour, la belle finisse par se rendre compte de tous les vices, de tous les défauts qu’elle avait sous son apparence de mère idéale et concernée. Mais pourtant, ça les rapprocherait peut-être. Il suffisait de voir la réaction de la jeune fille pour s’en rendre compte. Elle se montrait calme, douce. C’était étonnant, réellement. En fait, Olivia prenait doucement conscience que l’adolescente qu’elle voyait encore en sa fille était en train de grandir, de devenir une femme. Sa réaction était plus mature qu’elle ne l’aurait crue. Aussi, elle devait avouer que Nirvana avait une meilleure réaction qu’elle l’aurait eu dans le cas inverse. D’ailleurs, elle n’était pas surprise parce qu’elle la croyait dure… Elle savait que sa fille pouvait être douce comme un agneau. Au fond, elle était aussi paradoxale qu’elle. Non, si elle était impressionnée, c’était parce que l’étudiante aurait été parfaitement en droit de la traiter d’hypocrite, de lui en vouloir d’agir comme elle n’aurait jamais supporté qu’elle-même le fasse… Mais non, elle avait choisi une toute autre attitude, sa petite Nirvana. Alors, aussi difficile que ça l’était, l’avocate tenta un semblant d’explication. Elle était véritablement mal à l’aise, et aurait préféré s’abstenir de répondre aux interrogations de sa fille. A la première, elle lâcha un léger rictus, qui aurait pu paraître ironique si elle n’était pas aussi gênée. Longtemps… C’était un euphémisme. Elle avait commencé à douze ans. Arrêté avec l’arrivée de sa fille. Puis repris lorsqu’elle avait senti les responsabilités venir alourdir les épaules frêles de la gamine de vingt-ans qu’elle était alors. – Un petit moment, oui… Tu penses à quoi ? Tu me vois faire du yoga ? lança-t-elle en esquissant l’ombre d’un sourire. Ce n’était pas vraiment quelque chose qui lui plairait, assurément. Elle n’avait pas la patience pour ça. Une cigarette, au moins, ça durait trois minutes, et ça suffisait. Et, à la vérité, de tous les moyens qu’elle avait pu utiliser, c’était bien le moins pire de tous. Mais elle allait éviter d’en dire un peu trop à sa fille, quand même. La peur de la décevoir, c’est vrai qu’elle était omniprésente dans son esprit. Elle avait voulu donner l’image d’une mère forte, battante, sur laquelle elle pourrait toujours se reposer, mais elle n’était qu’un être humain, elle aussi. Alors souriant doucement, elle reprit. – Ça aurait pu te donner l’impression que je le tolérerais mieux chez toi… Ce qui me parait compréhensible… Mais je… Baissant le regard quelques instants, comme gênée, elle plongea à nouveau ses yeux noisette dans ceux, identiques, de sa fille. – Je n’avais pas envie de te donner une mauvaise image de moi-même… Ni que tu sois déçue...

Il fallait bien admettre que celle, de la mère et de la fille, qui avait le plus de lucidité n’était pas celle qu’on aurait pu croire au premier abord. Parce qu’en réalité, si Nirvana avait le sentiment de se rapprocher un peu plus de celle qui l’avait mise au monde, Olivia n’en prenait pas conscience. Elle n’avait pas l’impression de se rapprocher de sa fille, mais simplement de paraître plus vulnérable face à elle. Elle était tout de suite moins parfaite, plus… humaine, en fait. Mais pourtant, c’était la jeune étudiante qui avait raison. En se retrouvant contrainte de baisser les armes devant elle, Olivia se dévoilait comme elle ne l’avait pas fait depuis longtemps. Et, irrémédiablement, son attitude rendait sa fille bien plus douce et compréhensive que devant le robot qui lui servait parfois de mère. Parce qu’elle était comme ça, Nirvana. Elle pouvait râler, se disputer, crier, et même se montrer violente… Mais, au fond, c’était une perle. Et ça, l’avocate n’en avait jamais douté. Elle aimait sa fille, justement elle l’aimait même peut-être un peu trop, tellement elle avait peur de la voir changer. Alors, malgré son embarras, elle se sentait apaisée de la voir comme ça, sa Nirvana. C’était bien la facette d’elle qu’elle préférait. Mais, malgré la douceur de l’instant présent, elle était bien forcée de constater qu’elle n’était pas autant à son aise qu’elle aurait dû l’être. Qu’elles se confient l’une à l’autre ? A la vérité, elle ne savait pas si elle en était véritablement capable, Olivia. Que sa fille lui dise tout ce qu’elle voulait, c’était une chose. Mais, elle, dévoiler ses travers, de ses doutes, de ses craintes… Non, elle n’était pas prête, probablement pas. Parler de sa légère dépendance à la nicotine, c’était déjà une épreuve de taille pour elle. Pourtant, Nirv’ se montrait adorable, cherchant à lui trouver des solutions alternatives qui pourraient pallier cette habitude. Le fait de la voir comme ça fit sourire sa mère, attendrie. Regarder un film ? A chaque fois que quelque chose l’irritait ? Elle n’avait certainement pas le temps ! Mais la retrouver, elle, c’était une idée. – Je viendrais te voir alors. promit-elle en esquissant un léger sourire. Encore fallait-il que la belle soit auprès d’elle à ce moment, mais ça, c’était encore autre chose. Au fond d’elle, Olivia savait qu’elle n’arrêterait pas de fumer subitement, même si elle n’arriverait surement jamais à le faire devant sa vie. C’était l’une des rares choses qu’elle s’accordait, et elle ne se voyait pas se priver de ça en plus de tout le reste. Mais elle n’y réfléchissait pas encore à cet instant, préférant se focaliser sur les paroles suivantes de son petit ange –démoniaque –. La trentenaire eut du mal à le faire, mais elle finit par lui avouer en quelque sorte ce qui la poussait à garder ce secret pour elle. Elle ne voulait pas la décevoir, non, c’était ça et rien de plus… Elle avait simplement envie d’être la mère que Nirvana méritait d’avoir. Mais sentant celle-ci passer spontanément son bras autour d’elle, elle se laissa faire, se retrouvant la tête posée contre l’épaule de sa fille. Ces mots lui réchauffaient le cœur mais… Non, cela n’avait rien d’évident, pour elle. Gardant le silence durant quelques secondes, Olivia reprit finalement la parole d’une voix un peu moins assurée qu’elle ne l’était en règle générale, comme si elle qui savait toujours quoi dire, cherchait ses mots. – Je n’ai pas envie que tu subisses mes travers, tu mérites mieux que ça. C’était la première fois qu’elle confiait un peu ce qu’elle avait sur le cœur. Ça lui faisait vraiment une drôle de sensation, de se montrer si… Vulnérable. Mais pourtant, la jeune femme poursuivit. – Tu sais, je n’ai pas grandi avec une image parentale très bonne, ni même très présente… Je préfère t’épargner ça, c’est tout… termina-t-elle avant de se taire. Même si Nirvana savait qu’elle n’avait pas connu sa mère mais grandi qu’avec un père, elle n’avait pas une idée précise de la vie qu’elle avait eue, et quelque part il valait mieux. A la question suivante de sa fille, Oli’ se sentait un peu plus à l’aise, n’évoquant plus quelque chose de trop sensible mais simplement la bêtise de l’un de ses clients. Haussant doucement les épaules, elle répondit alors. – Oh… C’est un client qui croit que, parce qu’il a une avocate, il peut tout se permettre et compter sur moi pour tout réparer. Ce qu’elle ferait, en plus. – Il m’a énervée, alors je lui ai donné rendez-vous pour demain. J’aurais dû éviter de décrocher et rester avec toi. ajouta-t-elle avec un petit sourire tendre.

Elles se rapprochaient… Doucement, mais surement. Leur relation était si forte et si fragile à la fois. Même si Olivia avait du mal à se reposer sur les autres, elle savait qu’elle pouvait compter sur sa fille si elle en avait véritablement besoin. Tout comme, elle l’espérait en tout cas, Nirvana devait savoir qu’elle serait toujours là pour elle. En ce sens, leur lien était puissant. Et pourtant, tout ne tenait parfois qu’à un fil. Avec leurs divergences d’opinion, mais aussi avec leurs caractères plutôt explosifs, elles pouvaient parfois passer d’un extrême à l’autre, toutes les deux. Mais quoi qu’il en soit, même si l’avocate avait des difficultés à le faire, le fait qu’elle se confie enfin un tant soit peu à sa fille était une bonne chose. Elles pouvaient parler, échanger véritablement quelque chose de plus profond et plus sincère que ce dont elles avaient l’habitude. Elles s’étaient même rapprochées. Se retrouvant dans les bras de sa fille, pour la première fois depuis longtemps, Olivia se sentait bien. C’était rare, qu’elle se laisse aller. A la limite, si elles partageaient un moment de tendresse, c’était elle qui prenait Nirv’ dans ses bras, et non l’inverse. Mais elle pouvait constater que c’était agréable, pour une fois, que ce soit elle qui le fasse. Comme si, pour une fois, elle la laissait être là pour elle, comme elle, elle faisait toujours en sorte de l’être pour la jeune fille. Nirvana grandissait, et même si elle resterait toujours sa fille, leur relation pouvait prendre un chemin un peu plus équilibré qu’elle ne l’avait été jusqu’alors. Encore plus lorsqu’on savait leur différence d’âge aussi faible. Ça en prenait doucement le pas en tout cas… Elle n’était pas surprise, non. Même si les deux femmes n’étaient pas aussi proches qu’elles pourraient l’être, Olivia n’avait jamais cessé de voir le meilleur chez sa fille. Elle était exigeante avec elle, dure même. Mais cela ne signifiait pas pour autant qu’elle ne voyait pas l’être exceptionnel qu’elle avait mis au monde. Nirvana était une jeune femme pétillante, adorable et pleine de vie. Elle pouvait être capable de tout, du meilleur comme du pire. Et, justement, c’était parce qu’elle avait cette façon si extrême d’être qu’Olivia cherchait à la préserver autant. Elle était sa mère, et personne ne la connaitrait jamais aussi bien que celle qui l’avait faite. L’expression n’existait pas pour rien. Mais peut-être que l’inverse était un peu moins  vrai. La brunette ne savait pas tout sur sa mère, surtout elle ne savait pas ses travers, comme elle l’avait si bien dit. Et fumer une cigarette de temps en temps n’était pas le seul d’entre eux. Mais souriant tendrement en sentant les caresses de sa fille, la jeune femme reprit alors la parole. – Pourtant, tu m’avais l’air bien surprise… avoua-t-elle, un petit sourire gêné sur le visage en revoyant la scène. C’est sûr qu’avec du recul, et ayant évité la dispute, elle se rendait compte que la situation aurait pu paraître bien drôle de l’extérieur. Même si, elle, elle avait surtout ressenti un profond sentiment de malaise. Mais les mots de la belle lui faisaient du bien à entendre, réellement. Son image auprès d’elle comptait énormément pour elle, plus que celle de n’importe qui. – D’accord… Ça me rassure, oui. assura-t-elle en toute sincérité, avant de finalement relever la tête pour déposer un baiser sur la joue de sa fille. En fin de compte… Elle avait du mal à le croire, mais elle ne regrettait pas qu’elle ait découvert la vérité. Rien que pour le moment qu’elles étaient en train de vivre, elle ne pouvait pas regretter. Elle espérait simplement que cela ne change rien, pas pour leur relation, mais pour sa fille. Sortant de ses pensées alors que celle-ci évoquait la raison de son énervement, Ollie finit par lui raconter la scène. Elle était plus détendue, maintenant. Et elle était bien forcée de constater que Nirv’ était plus efficace que le tabac, pour ça. Souriant à son baiser sur le front, mais aussi à ses paroles, son sourire se fit plus lumineux en voyant celui de la jeune femme. Elle était trop adorable, sa fille. Relevant les yeux vers elle, elle admit finalement. – Je suis contente que tu le saches. Au début, non, mais là c’était vrai. Se blottissant véritablement dans ses bras, elle la serra contre elle avant de reprendre la parole. – Tu n’es pas fatiguée ?

Si elle avait cru l’espace de quelques minutes que la découverte de sa fille allait gâcher la soirée agréable et détendue qu’elles avaient passée toutes les deux, Olivia était forcée de constater que c’était tout l’inverse. Cet aveu de taille n’avait fait que les rapprocher l’une et l’autre. Parce que, pour une fois dans sa vie, l’avocate avait baissé les armes, et s’était dévoilée à Nirvana. Cela n’avait pas été facile de le faire. Elle s’était sentie très mal à l’aise, parce qu’elle n’avait aucunement envie que la brunette ne sache ce qu’elle s’évertuait à lui cacher, pour son bien, mais aussi pour celui de leur relation. Elle était toujours assez embarrassée, d’ailleurs, lorsqu’elle entendait sa fille expliquer que si elle avait été aussi surprise, c’était parce qu’il s’agissait d’elle. Justement, elle préférait qu’elle garde une bonne image d’elle, c’était normal, non ? Peut-être prenait-elle trop les choses à cœur, mais il ne s’agissait pas simplement d’une amie ou d’un amant, là. Il était question de la personne qui lui était la plus chère au monde, alors bien sûr, elle avait peur que la moindre petite chose ne détruise leur relation. Mais, en fin de compte, le résultat en valait largement la peine. Parce que si leurs disputes étaient explosives, leurs moments de complicité étaient tout aussi intenses. Surement parce qu’au fond, c’était l’amour qui les liait qui rendait leur relation aussi forte. Souriant doucement en entendant la jeune étudiante affirmer qu’elle allait la surveiller, Olivia fit non de la tête, reprenant d’une voix plus assurée, mais légèrement amusée tout de même. – N’inverse pas non plus les rôles. Leur relation restait celle d’une mère et de sa fille, inévitablement. Malgré leur faible différence d’âge, Ollie ne se voyait vraiment pas raconter à la belle ses histoires comme s’il s’agissait de l’une de ses amies. Et, même si sa curiosité la poussait à penser le contraire, il y avait aussi certaines choses chez Nirvana qu’il ne valait mieux pas qu’elle sache, probablement. Mais son sourire amusé disparut pour laisser place à une expression de surprise en entendant son interlocutrice dire qu’elle allait dormir avec elle… C’était quelque chose que peu auraient compris. Nirv’ avait durant très longtemps passé ses nuits auprès d’elle, partageant le même lit. Pour rassurer l’une et l’autre, pour leur donner à chacune tout l’amour qu’il leur manquait peut-être ailleurs. Mais cela faisait si longtemps que ce n’était pas arrivé qu’elle était touchée, Olivia. Et son regard si tendre à cet instant le montrait plus que n’importe quel mot. Mais avant qu’elle ait eu le temps d’ajouter quoi que ce soit, elle entendit leurs deux téléphones portables sonner à l’unisson. Fronçant légèrement les sourcils, intriguée, la brune saisit son mobile tout en reprenant la parole. – Ils se sont donnés le… Mais elle s’arrêta net en voyant le contenu de son message. « Khonsou et Olivia flirtent gentiment en partageant une assiette à leur bureau. »  C’était quoi, ça ? Restant bouche bée un instant, elle n’avait aucune idée du destinataire, pas plus que l’identité de la personne qui avait bien pu les voir, elle et Khon. Mais, relevant les yeux vers sa fille, elle comprit à la seule expression sur son visage qu’elle avait reçu le même foutu message. Et ce sentiment d’embarras à peine partit revint violemment l’envahir. – Si c’est une blague, elle est de très mauvais goût. lâcha-t-elle d’une voix perturbée, mais irritée aussi que sa vie privée ne le soit pas autant que ça. Et surtout, même si elle ne le montrait pas, elle redoutait la réaction de Nirvana. Entre ça, et le fait qu’elle fumait, c’était peut-être un peu trop pour une seule soirée.

Bien sûr qu’elle tenait à son rôle de mère, Olivia. Avant ses clients, avant ses amis, avant n’importe qui, Nirvana était ce qu’elle avait de plus cher, alors bien sûr elle prenait tout à cœur lorsque ça la concernait. Ce qui pouvait expliquer à quel point son humeur pouvait être influencée par leurs relations. Si elle s’était sentie extrêmement apaisée en sentant cette tendre complicité revenir entre elles, une sensation de malaise l’envahit instantanément lorsqu’elles reçurent toutes les deux ce message d’un mystérieux inconnu. S’il lui était désagréable de constater qu’ils étaient plus épiés encore à leur travail qu’elle ne le croyait, elle craignait plus encore la réaction de sa fille. Et elle avait raison de s’inquiéter, parce qu’en levant les yeux vers elle, Olivia remarqua instantanément le visage complètement décomposé de sa fille alors qu’elle l’interrogeait déjà. Restant silencieuse, la jeune femme la regarda se redresser avant de réagir enfin. Se levant presque immédiatement après Nirvana, elle tentait de garder contenance. Elle n’en menait pas large, mais pourtant, elle prit la parole d’une voix assurée. – Attends, tu ne vas pas croire ce qu’un inconnu t’envoie ! C’est n’importe quoi ! Elle mentait, bien sûr qu’elle mentait. Elle n’allait certainement pas dire à sa fille qu’il lui arrivait de flirter avec son collègue de travail, simplement comme ça, pour… Pourquoi, d’ailleurs ? Elle ne savait pas vraiment ce qui la poussait autant à maintenir ce jeu de séduction avec Khonsou alors qu’elle était contre le fait de mêler sa vie privée à sa vie professionnelle. Il l'attirait, c'était indéniable... Mais, merde, sa fille n’avait pas besoin de savoir ce genre de détails. – J’ai dîné un soir avec un de mes collègues de travail, c’est tout. Il n’y a rien de plus. affirma-t-elle calmement, espérant que cela suffirait à la belle brune. Elle était avocate, elle savait mentir, non ? Peut-être un peu moins à sa fille… Parce qu’elle avait instinctivement ressenti le besoin de se justifier alors que… Bon sang, elle faisait ce qu’elle voulait. A la vérité, elle n’avait vraiment pas envie de gâcher leur soirée avec quelque chose qui avait si peu d’importance… Du moins, si ça en avait, cela ne concernait pas Nirvana sans aucun doute. Et sur ce point, elle avait un point de vue très tranché, Olivia.

La soirée prenait des allures de montagnes russes. Parfois, ça montait, puis, ça descendait. C’était un peu difficile à suivre, du moins ça devrait l’être. Mais il fallait avouer que c’était ainsi que leurs relations se déroulaient depuis un moment maintenant. La mère et la fille passaient souvent d’un extrême à l’autre. Soit, c’était merveilleux entre elles, soit c’était désastreux. L’entre-deux se faisait bien plus rare. Mais c’était peut-être parce qu’elles s’aimaient trop, au fond. L’amour que ressentait Olivia pour sa fille était intense, violent. Nirvana n’était pas seulement son enfant, elle était aussi son trésor, son roc et plein d’autres choses… Mais, parmi tout ce qu’elle pouvait être pour elle, s’il y avait bien une chose qu’elle n’était pas, peut-être pas encore, c’était sa confidente. L’avocate avait vraiment du mal à se dévoiler à sa fille. Ce n’était pas à cause d’un manque de confiance, non… C’était parce qu’elle avait peur, peur de ce que Nirv’ pourrait penser d’elle, de son passé peu reluisant comme à la femme qu’elle pouvait être lorsqu’elle n’était pas dans son rôle de mère. Le problème, c’était qu’elle avait tant souffert des imperfections du seul parent qu’elle avait eu qu’elle était terrorisée à l’idée qu’il en soit de même pour sa fille. Alors, bien sûr, elle préférait jouer les femmes bien sous tous rapports, mais elle était humaine, elle aussi. Seulement ça, elle n’était pas prête à le voir. Alors, forcément, la découverte de sa fille la mettait une nouvelle fois mal à l’aise. La voyant d’abord se mettre en colère, elle se demandait surtout comment elle pouvait la calmer sans l’énerver davantage encore. Sa fille avait un tempérament explosif parfois… Mais paradoxalement, elle était aussi extrêmement lunatique, et il n’était pas rare qu’elle passe d’un extrême à l’autre exactement comme elle venait de le faire. En se calmant de cette façon, elle donnait soudainement l’impression d’avoir décidé qu’elle s’en fichait, ce qui ne rassurait pas plus Olivia. Elle n’avait pas non plus envie que sa fille se fiche complètement d’elle. Parce qu’elle la connaissait, elle était têtue et serait capable de le lui faire payer, par une bêtise ou… Simplement en adoptant le même comportement qu’elle. Et ça, Ollie ne le voulait pas. Se pinçant les lèvres un instant, la jeune femme finit par s’approcher de la jolie brune, d’un pas légèrement hésitant. Une fois à sa hauteur, elle replaça l’une de ses mèches rebelles correctement avant de plonger son regard dans le sien. – Chérie… Tu crois que s’il se passait quelque chose d’important dans ma vie, je ne te le dirais pas ? Elle le ferait. Ne serait-ce que pour s’assurer qu’elle ne soit pas perturbée par l’arrivée impromptue d’un homme dans la vie de sa mère, elle le ferait. Mais il y avait une différence entre la rencontre avec le grand amour et… Ces petits flirts occasionnels avec un collègue de travail, aussi attirant soit-il. Mais se rapprochant un peu plus de Nirvana, elle finit par la prendre délicatement dans ses bras, comme pour se rassurer. Elle n’avait vraiment pas envie que sa fille lui en veuille, encore moins lorsque les choses commençaient à s’arranger entre elles. – Tu dors toujours avec moi ? demanda-t-elle dans un murmure, presque timidement, parce qu’elle appréhendait un éventuel refus. Elle était imprévisible, sa fille, mais elle l’aimait plus que tout au monde malgré tout.