Je la raconte pas souvent mon histoire en fait. Mais bon, j'pense que je suis obligé pour le coup. Je suis né à Londres, il y a un peu plus de 30ans. Mère espagnole, père mi français mi anglais. Ils se sont rencontrés en pleine année Erasmus en Finlande et ne se sont plus quittés. Deux personnes qui aiment voyager, qui se rencontrent sur l'une de leur destination et qui décident de continuer ensemble cette longue route. Romantique.

J'ai grandis tranquillement, balloté entre la France, l'Espagne et l'Angleterre. J'adorais ça. Je n'avais pas vraiment d'attache. Et puis, manger du bacon tous les jours, non merci. Non, je déconne, je kiff le bacon. Vous pourrez donc voir en moi des traces de plusieurs pays, avec des expressions, des habitudes et des accents différents. J'aime bien faire tourner mon monde en bourrique.

Bref, je suis européen. J'aime l'Europe. Mais pas autant que le rêve américain et son pays. Très tôt, j'ai montré à mes parents que l'amour du voyage était également dans mes gênes. Sauf qu'ils avaient leur entreprise et qu'aller vivre an Amérique serait dur pour nous. Mais j'étais têtu. Je savais -ou pensais plutôt- que j'allais réussir là-bas. Après tout, j'avais pas mal de "talents"! Certains allaient aux Etats Unis juste avec un seul don. Moi, je savais chanter, jouer des instruments et dessiner! Et au lieu de répondre à l'appel du rêve americain en m'y envoyant, mes parents m'ont payés des centaines et des centaines de cours particuliers dans tous les domaines que j'aimais. L'école à domicile m'offrait un bon planning remplit de liberté. Surtout que j'avais de bonnes notes à mes évaluations.

18ans. M'my, D'dy, suis majeur ! Hein ? Attendre ? 21ans ? Majorité américaine ? Non mais je... Hein ? Oui mais. Ah ok. Mes parents ont été de beaux salauds sur ce coup. Ils ne voulaient pas me voir partir "pour faire n'importe quoi'', profitant d'une majorité que je n'avais pas dans vot' beau pays. C'était l'excuse. En vrai, ils voulaient que je reprenne l'affaire familiale qui était vraiment pas mal mais non. Diriger une boite, c'est pas mon rêve, c'était le leur bordel !

M'my, D'dy, j'ai 21ans ! Hein ? Quoi ? Pas d'argent ? Mais si celui que... Celui qu'il y a sur... Que vous avez... Ca y est. Ils venaient de vomir leur plan de récupérer la boite. N'étant que peu dépensier et n'ayant jamais manqué de rien, j'avais toujours laissé ma mère s'occuper de mes comptes. Et devinez qui avait les codes et les cartes!  

J'aurai pu péter un câble, aller voir ma banque, tout leur expliquer mais disons qu'elle léchait bien le derrière de mes parents. "Vous comprenez, c'est compliqué Monsieur Collins gna gna gna". Ils voulaient retarder le moment ou mes parents allaient leur tomber sur le coin de la gueule. Et ils l'ont tellement bien retardé que j'ai fini par tout laisser tomber. J'ai appelé mon meilleur pote -qui est venu depuis Marseille, j'étais à Paris à ce moment-, j'ai embarqué mes affaires en pleine journée dans son fourgon et on s'est cassé. ROAD TRIP DUDE, LIBERTAD, VAMOS A LA PLAYA A MI ME GUSTA BAILAR. AMERICAN DREAM BITCH.

On a galéré comme de beaux saligauds. Il est venu me chercher, m'a dépanné niveau fric mais... Au bout d'un moment, le fric, bah y en avait plus. Notre fourgon pathétique était parti pour faire Marseille-New-York! Sauf que, paumés je ne sais ou -moi et la géographie- et bah... On a commencé à faire plusieurs escales dans différentes villes du monde. On y restait le temps de trouver un boulot, de se renflouer les caisses et les joues du bolide et on repartait !

De mes 21ans jusqu'à mes 28ans, on a fait ça. Bien sûr, les Etats-Unis auraient pu nous accueillir bien avant mes 28ans. Mais je ne voulais pas dépasser ces frontières comme ça. Je voulais voyager. Frôler ses frontières, découvrir ce qui entourait ces Etats. En fait, on s'y était fait à cette vie de voyageurs. On a fini par rencontrer le troisième joyeux luron de la bande : Marie-Jeanne ! J'vous la présente ? En espagnol, c'est Marijuana ! Et en fait, c'est un peu à partir de là que c'est parti en biberine.

On travaillait, ok. Mais l'argent partait assez vite entre la nourriture et l'essence. Du coup, si au début, les soirées avec Marie-Jeanne étaient rares, lorsqu'elles se multiplièrent, on avait un peu de mal. Mon pote et moi on a finit par se mettre sur la tronche. Ca devait arriver. On était comme un couple. Sauf qu'il n'y avait pas le sexe pour calmer nos pétages de câble. C'est con, j'suis bi, le problème c'était juste lui ! Peut-être que s'il n'avait pas aimé que les petits chats, et qu'il s'était un peu lâché du derrière...

Vu que c'était son fourgon et bah... J'me suis barré. Il m'a quand même laissé l'occas' de récuperer mes affaires. Mes jeux vidéos. Ma guitare. Mes carnets. Mon ordi. Mes vêtements. 28ans. J'ai décidé d'aller enfin à New-York. Je m'y suis installé avec mes petites économies. Je me suis cherché un boulot. Pas très dur, avec ma petite trentaine de différents posts sur mon CV. Barman, serveur, caissier, homme de ménage, professeur, guitariste, nounou. J'en ai de l'expérience !

J'ai voulu me faire connaitre. Par mes croquis. Par mes morceaux. Par ma voix. Rien n'y faisait. Et en fait... Le salaud, c'est cher à New-York ! Et chercher à se faire connaître, avec un boulot mal payé qui me prenait énormement de temps... C'est dur. Au bout de presque 3ans, j'ai abandonné cet American Dream. Et ma bonne étoile m'a laissé tomber. J'ai enchainé 7 boulots, 4 appartements, 2 copains, 1 copine. Impossible de me stabiliser. J'fais quoi de mal, franchement ? J'ai fini par laisser tomber. Plus envie de devoir quoi que ce soit à ce pays. Du coup, j'ai arrêté de chercher quelque part où vivre. Le plus important -toutes mes affaires personnelles- sont dans une cave que je loue pas très cher le mois. Voilà. En attendant, je flanne dans les rues, je fais quelques heures de boulot par ci et par là, histoire que j'puisse me nourrir et profiter un peu de ma jeunesse. Mais en fait, je crois que ma jeunesse est un peu passée là. 31ans, sans domicile, sans rien. Ca fait mal en fait.