Il était grand, élégant et chirurgien. Ses cheveux étaient châtains avec une légère teinte ambre, il portait un pantalon noir, des derbies élégantes et une chemise sombre. Cela faisait plusieurs semaines qu'Antonina fréquentait cet homme, ils avaient dîné au restaurant, étaient allés au cinéma ensemble et ils avaient aussi visités une exposition. Ils étaient aussi déjà allés l'un chez l'autre, ils flirtaient très clairement et avaient tout deux prit conscience qu'ils entraient de cette façon dans une relation type "je fréquente quelqu'un, on aimerait que ce soit sérieux".
Ce soir là, Antonina portait un blazer légèrement long et noir, un pantalon noir, une pochette blanche à motifs verts et une paire d'escarpins noirs vernis. Ses yeux bleus étaient cernés de noirs et ses cheveux blonds formaient une élégante crinière savamment étudiée. Cette tenue c'était pour aller au rouge bar passer une soirée plus animée. Mais cette dernière ne s'anima pas dans le bon sens du terme, les rires, le flirt et les danses laissèrent peu à peu place aux représailles, et à l'engueulade. Antonina versa son verre en plein dans le visage de son rencard, ce qui sonnait sans doute la fin de leur dite "relation".

Excédée par ce qui venait de se produire, la jeune femme quitta le club pour prendre un peu d'air, pour rentrer chez elle surtout, mais à peine seule les émotions reprirent le dessus et ses yeux s'humidifièrent alors. Encore un con. Encore un échec, encore des espoirs menés à néant, cet homme élégant, parfait en tout point, avait oublié de préciser qu'il était déjà marié, par conséquent ce qui semblait débuter comme un conte de fées ne s'avéraient être qu'une vaste blague.
En y repensant, Antonina s'éloigna légèrement de l'entrée du club avant de s'asseoir sur un banc. Les gens aux alentours étaient en groupe, en amoureux, rieurs et occupés, ils étaient ici pour faire la fête et ne s'en cachaient pas. Personne ne faisait grandement  attention à Antonina, jusqu'à ce qu'un ou deux jeune homme l'abordent avant de se faire congédier par la jeune femme.

Être ainsi seule était plus marquant qu'à l'habitude, après une déception sa solitude lui semblait toujours plus grande. Malheureusement il n'y avait que dans les films que la jolie blonde, désespérée et seule dans la nuit trouvait par hasard son prince charmant pour la réconforter.
Que dans les films.. ou presque.
 

Pas inhabituée à ce que l'on vienne à sa rencontre mais pas coutumière des larmes en public, Antonina ne s'inquiète pas réellement lorsque quelqu'un se dirige vers elle, elle détourne juste la tête, sèche comme possible ses larmes et écoute ce qui se dit. Les voix ne sont pas tout à fait assez proches, mais assez pour distinguer des jeunes s'amusant. Rajustant sa veste pour s'assurer que le décolleté ne se fasse pas trop aguichant (bonne initiative bien que veine), la jeune femme sursaute légèrement lorsque la voix de l'inconnu tout juste installé à ses côtés se manifeste.
Ses yeux s'écarquillèrent naïvement, elle s'attendait à tout sauf à lui. Fixant Riley, sans trop savoir quoi répondre car prise de court, elle senti finalement l'odeur de ce que fumait son patient; odeur connue, peut-être pas consommée mais largement fréquentée durant ses années étudiantes. Pinçant tout d'abord légèrement la bouche, comme si elle désapprouvait, Antonina se mit finalement à rire un peu. Ce qu'il disait n'avait presque pas de sens, c'était un mélange de compliment et de n'importe quoi, c'était de l'honnêteté trouble et ça tombait plutôt bien.
Blondie se racla doucement la gorge et se redressa un peu, elle n'était pas au cabinet mais tentait d'y reprendre la contenance, elle en possédait certes naturellement, sans quoi elle n'aurait sans doute pas été capable de s'habiller ainsi, surtout pour un rencard -la plupart des femmes de son "genre" préférant se montrer en robes dans ce type d'occasions-, mais elle refusait surtout que son échec cuisant puisse être remarquable plus longtemps.

- Oh je..

Commença le médecin avant de prendre son inspiration, se donnant ainsi quelques secondes pour "inventer" une raison.

- J'ai finis ma soirée donc je prenais un peu le temps de souffler seule. Enfin plus maintenant car t'es là, sur ces mots elle eut le rapide réflexe de lui tenir le bras avant d'ajouter, enfin c'est pas que tu me dérange, on peut être seuls ensemble si tu veux ahah.

Le détaillant rapidement, Antonina observa un peu les alentours.

- Mais ce ne sont pas tes amis là-bas ?
 

- Ouais, merci.

Lui répond-t-elle en rigolant lorsqu'il lui dit qu'elle est mieux que ses mieux, qu'il vient au passage de nommer "connards", elle était mieux que "connards", c'était pas si mal. Bien que dans le fond Antonina soit assez intelligente pour comprendre ce qu'il voulait dire par là, le prendre sous cet angle était plus amusant.

- Je vois ça..

Elle fait une petite moue, toujours amusée, un peu intriguée, légèrement "méfiante". C'est pas comme si elle n'était pas au courant de ce que Riley faisait de son temps libre, c'est juste qu'elle ne l'avait jamais vu faire, et son instinct de "médecin protecteur" était pas si facile à mettre de côté. Surtout avec les patients qu'elle côtoyait depuis ses débuts, et puis leur relation était unique.. sans parler des dernières semaines.
Ne sachant pas réellement comment agir avec le jeune homme qui semblait plus que "high", Antonina se contentait de le regarder, presque comme si elle n'assistait pas vraiment à ce qu'il se passait, comme si elle n'avait aucun rôle à jouer dans la scène.
Observant le grand brun fermer les yeux, elle esquissa un sourire lorsqu'il se redressa avant de lancer un oeil furtif et perplexe vers les amis de Riley avant de se re-concentrer sur lui. Le long regard qu'il posa sur elle se solda par une réflexion plus que déglinguée, et là, pour une rare fois, Antonina eut un rire franc, pas forcément de ceux que l'on lâche en "société", plutôt de ceux qui sont graves et sincères, de ceux que seuls les proches connaissent.

- Oh my God.

Lâcha-t-elle en passant ses doigts sous sa paupière, comme prévenir d'une éventuelle "larme" de rire. Ce qu'il disait était totalement absurde, et s'illustrer ses propos était d'autant plus drôle. Il y avait une chose en revanche qui n'était pas qu'hilarant mais aussi plaisant, c'était "l'état dans lequel la jupe l'avait mit"; plutôt consciente de plaire à la gente masculine Antonina avait prit l'habitude de s'inquiéter de l'intérêt émotionnel et sentimental des hommes à son égard et pas de l'intérêt physique qui à sa chance était en général toujours présent. Mais depuis qu'ils avaient dépassés une certaine limite, "l'avis" de Riley pesait différemment. Lorsqu'ils s'étaient revus après qu'elle eut dépassé les bornes, le patient n'avait pas vraiment apprécié le revers de chemise qu'avait effectué Antonina et alors qu'elle se perdait à désirer qu'il perde à son tour les pédales, il était resté de marbre. Ce qui cependant l'avait aidée à remettre son esprit en ordre, mais des jours après le "marbre" se dévoilait alors, et cette révélation lui remit étrangement un peu de baume au cœur. Quel médecin fais-tu là Anton' ?

- Je ne sais pas, je pense qu'il faudrait que je t'en prête une un jour pour qu'on en ai le coeur net, non ? Mais pour celle-ci je pense pas.. Je crois que je suis la seule à pouvoir faire ça tu vois.

Répondit-elle, amusée et oubliant, à force de sourires, "l'échec" de sa soirée.
 

- T'as l'air assez droit en fait.

Répondit-elle vis-à-vis de leurs hanches. Les hommes à hanches larges c'était assez rare, c'était pas trop dans leur morphologie et sur l'instant ça la rassurait parce qu'imaginer un homme, nu, avec des hanches pouvant rivaliser avec les siennes ça serait un peu rebutant.

- Ceci dit t'as des cuisses quand même.

Mimant presque la réflexion, voilà qu'Anton se mettait elle-même à se demander sérieusement ce que donnerait l'une de ses jupes sur Riley. Leur conversation était d'une simplicité presque touchante, Riley, embrumé par les vapeurs de son joint, redonnait un peu de légèreté à Antonina qui ayant passé la soirée avec un homme tout à fait différent de celui qui s'était à présent posé à ses côtés, voyait en ce dernier que le positif.. Si l'inconstance de ses propos pouvaient être difficile à suivre, peut-être fatigante, ça s'avérait être la touche de fantaisie qui formait une espèce de bulle entre le médecin et son patient qui devenaient de plus en plus "Antonina et Riley", deux individus différents qui se côtoyaient sous un angle légèrement différent.

Il la fixait, encore, toujours, si bien que ça fit tiquer la blonde qui se mit à pouffer légèrement. Il ressemblait tellement à un enfant ce soir là, ses petits gloussement et son air perché le rendait presque innocent. D'apparence, bien sûr, car ses paroles disaient pas tout à fait ce que ses grands yeux bleus pouvaient dire. Quoi que les absurdités contrebalançaient le tout.

- Hum, elle se racla la gorge, T'es pas porté femme à barbe alors.

Fixant Riley, Antonina mima ses gestes, sauf que sans barbe c'était un peu plus curieux, mais les curiosités le britannique était en plein dedans.

- Oookay okay okay.

Répondit-elle rapidement en riant un peu avant de se relever et tirer un peu sur sa veste.

Pas très habituée à ce genre de dialogues, Antonina n'avait que des réponses pragmatiques et premier degré. Elle préféra alors les balayer et tendit ses mains vers Riley, encore assit, dans le doute où il n'arriverait pas à se relever : le voir affalé elle en avait l'habitude, le voir perché pas tellement.

- J'ai mangé, un peu, mais c'est pas important on va aller manger oui, te mettre un truc dans l'estomac.. C'est une bonne idée avant que ton estomac ne te..se.. dévore. Tu veux aller où ? Tu veux aller au resto, commander, prendre un drive... Un kebab ?


 

Lorsqu'elle lui avait tendu les mains, Anton s'imaginait que Riley se relèverait en suivant, assez rapidement, mais non il restait comme ça en la tenant. Et par dessus tout, Antonina ne le lâcha même pas, plus occupée à s'essayer à la compréhension du Riley perché.

- Je pense bien que ce soit un cercle vicieux.

Affirma la jeune femme en fronçant légèrement les sourcils et pinçant les lèvres dans un sourire mi sérieux mi.. souriant, bah oui. Se rapprochant un peu pour ne pas trop se sentir pencher en avant, consciente que le jeune homme n'allait finalement pas se lever d'ici les secondes qui suivraient, Blondie l'écoutait déblatérer sur ce qu'il voudrait manger. Il parlait de son accident, elle savait, il parlait du Thai ça elle en avait vaguement entendu parler. Finalement ils étaient plutôt "intimes", ou du moins il lui avait assez parlé pour qu'elle ne se sente pas trop perdue dans ce qu'il lui balançait ainsi et ce constat était.. agréable ?
La suite l'attendrie, mais elle dût se re-concentrer sur sa stabilité pour pouvoir réellement aider Riley à se relever. Ce qu'il disait ensuite la fit tiquer avec un peu de retard, elle eut un léger rire absent aux différentes réactions du jeune homme à la recherche de sa friandise de la nuit, car ses pensées étaient ailleurs.
La voiture.
Oui alors euh la voiture.

Sur l'instant, Antonina se senti presque minable, non elle n'avait pas sa voiture car madame s'était faite emmener en ville par monsieur parfait. Et elle se retrouvait comme une bille en centre-ville la nuit, en talons et avec l'un de ses plus beaux décolletés.. A ce stade elle ne se considérait plus fleur bleue mais idiote.

- Euh.. Oui.

S'arrêtant de marcher pour attraper son téléphone, Antonina composa le numéro d'un taxi avant de regarder Riley :

- C'est quoi déjà ton adresse ?

Rentrer chez lui lui paressait, étant donné l'état du grand brun, plus judicieux; une fois qu'elle eut "commandé" le taxi le médecin pouvait alors se lancer dans quelques explications.

- On commandera Thai, je n'ai pas ma voiture, on est venus me chercher pour sortir.. mais comme je rentre seule bah..

Haussement d'épaules. Pas besoin d'en dire plus, si ?
 

L'engouement de Riley à l'idée de manger Thaï était à la fois tendre et amusant à voir, "tendre et amusant" , sans doute la manière dont Antonina percevais Riley depuis le temps, jusqu'à ce qu'elle le découvre plus sûr de lui, voire arrogant. Mais cet épisode était passé, il n'y avait plus vraiment de raisons valables d'y penser, si ?
Si. Car le dit épisode avait sans doute changé leur relation, ils ne s'en rendaient peut-être pas clairement compte à l'instant présent, mais rien que cette soirée n'aurait sans doute pas vraiment été la même sans ça.

- Alors si ils t'aiment bien..

Elle se mit à rire, ils ressemblaient clairement à un enfant. Elle avait déjà entendu, Anton, des femmes se plaindre par le comportement irresponsable de leur mari, copain, pêche du moment, bref de l'homme qui les côtoyaient et qui parfois ne savaient pas mettre le holà sur l'alcool ou la fumette. Si elle ne se voyait en effet pas forcément supporter ça un jour où elle serait de mauvaise humeur, ou tout les soirs en rentrant, un "miss" de temps en temps lui paraissaient plutôt amusant.
C'était aussi la première fois qu'elle voyait ainsi Riley, ce manquement était peut-être plus régulier qu'elle ne l'imaginait, mais elle n'avait pas vraiment envie d'y penser.

Reprenant le chemin, Antonina songea rapidement aux amis de Riley, elle tourna la tête brièvement mais quand elle se remit à regarder devant elle elle dût s'arrêter net et lever les yeux vers le grand brun. Là, sa taille se faisait sentir. Elle écoutait ce qu'il disait, ça lui faisait un peu chaud au coeur, c'était mignon, un peu touchant et surtout drôle. Stoppée quelques instants, comme si les mots de Riley pesaient sur sa personne, l'élégante blondinette eus un léger rire et tapota le torse du vendeur comme pour signaler le "départ", avant de se remettre à marcher.

- Non non on ne va frapper personne. Et t'es pas nul, tu m'invite à manger thaï chez toi, c'est terrible !

Dans les faits elle s'était plutôt auto-invitée, mais ça revenait plus ou moins au même, non ?

- Je crois qu'il se fera casser la gueule comme il faut un autre jour, par sa femme.

Répondit-elle enfin en regardant Riley à ses côtés en haussant une fois de plus les épaules, comme pour dédramatiser l'histoire même si dans les faits, à cet instant, ça ne lui semblait finalement plus si triste que ça.

- Ha le taxi est là regarde !
 

Elle tourne la tête vers Riley, légèrement surprise, peut-être un peu touchée avant de rire. Antonina n'avait jamais entendu pareil compliment, même quand elle était étudiante et qu'elle fréquentait les soirées un peu bordéliques, les compliments étaient plus "concrets", parfois plus crus aussi, ou alors tout à fait classique. Mais la lumière.. c'était presque poétique.
Réflexions de jeune femme ça encore, lui il avait lâché ça comme ça, entre un peu de beuh et de tabac.

L'un s'occupe de la bouffe tandis que l'autre s'occupe du taxi. Antonina a aisément remarqué le regard du chauffeur qui ne doit pas comprendre le duo, ça l'amuse un peu, elle ne se pose pas plus de questions, pour une fois. Finalement, même si il est presque insupportable, Riley la sauve quelque part d'une probable soirée dépression. Elle rigole à ses énumérations avant de ne presque plus l'écouter, se perdant quelques instants dans la lune, réalisant pas trop que ce qu'il se passe là se passe vraiment. Pourtant ce n'est pas fou, mais un peu.

- Mow..

Lâche-t-elle doucement à la vue des compères chats. On se croirait chez elle, à ce niveau du moins. Automatiquement la blondinette s’accroupit et commence à faire connaissance avec certains chats, sans réellement faire attention à ce qu'il se passe.
Puis finalement elle se redresse lorsque Riley présente sa batcave, elle rigole et se dirige vers lui. Elle l'imaginait peut-être dans ce genre d'appartement, elle se demande un instant si c'était pareil pour ses autres patients, si elle arrivait quelque part à aussi bien les cerner que son hôte bien qu'il lui avait grandement facilité la tâche en se confiant à elle au fur et à mesure des visites.

- Elle est cool ta batcave man. Juste -man, pas bat- du coup.

Antonina s'assied à côté de lui et lui prend le paquet de gâteaux des mains pour l'ouvrir et ainsi abréger les souffrances du jeune homme face au plastique.

- T'es pas crevé ?

Lui demande-t-elle, soucieuse de son état, pas au courant de la dose de substances qu'il aurait pu prendre dans la soirée.

 

-Hmm..

Antonina fronce légèrement les sourcils en observant Riley, l'air mi-gênée, mi-perplexe. Il jonglait entre l'enfant et l'homme avec habilité. Il ne s'en rendait pas compte, c'était clairement le fruit de sa soirée passée entre amis. Amis qu'il avait oublié dès l'instant où il avait croisé Antonina.
Peut-être que les joues de la blondinette se teintent de rose, peut-être que son coeur s'emballe un petit peu : elle est mal à l'aise. Elle jongle, elle, entre amusement et incompréhension. Incertitude peut-être ?

-..C'est gentil.

Malaise. On sonne à la porte, sans attendre la médecin se lève et va ouvrir à ce qui se révèle sans surprise être le livreur Thaï.

-Écoute euh.. voilà le thaï.

Espérant qu'il soit assez "high" pour ne pas s'offenser, Miss Curtis dispose la nourriture sur la table basse puis sert un grand verre d'eau qu'elle pose aussi sur la table basse.

-Je suis un peu.. fatiguée. Mange, bois de l'eau et repose toi, d'accord ? Si tu m'arrive blessé vendredi je sanctionne. Je sais pas comment mais je sanctionne ! Ahaha.

Instinctivement, Antonina dépose un furtif baiser sur le front du jeune homme avant de reprendre sa pochette et repartir comme elle était venue. L'appel de la raison sans doute, ou de la timidité. Un appel en tout cas difficile à raisonner et prêt à amputer ce qui aurait pût être une soirée (trop ?) sympathique.