Je ne me suis jamais senti bien différent du Klimt qui trônait fièrement sur le vaste mur du séjour, ou bien alors du Willem de Kooning qui se trouvait dans le bureau de mon père. Je me devais d'être beau et irréprochable. Parfait, au minimum. J'étais semblable à un élément décoratif destiné à afficher une fois de plus leur réussite. #Enfance
New-York, 1997. J'ai 7 ans, lors de cette soirée mondaine. Ma toute première véritable sortie dans le monde, disait ma mère. Jusqu'à présent, je n'avais guère connu autre chose que notre penthouse, au dernier étage du " Majestätisch " l’hôtel particulier de mon père, incontestablement sa plus grande réussite. Nourrisse, Majordome, Chauffeur, Femme de chambre et Professeurs Particuliers : étaient à peu près les seules personnes que je pouvais croiser dans une journée parfaitement lambda. Autant dire que cette soirée, était décisive. Si mon comportement était au-dessus de ce que l'on pourrait qualifier d'irréprochable, je pourrais certainement accompagner mes parents à nouveau. Si je venais à commettre le moindre faux pas.. Je n'osais pas l'imaginer. Revenons en à cette soirée. Mon père, il répond au nom de Günther Von Llewellyn, et ce soir il allait obtenir pour la deuxième année consécutive, le prix du meilleur homme d'affaire de l'année. Nous sommes assis à la table d'honneur, à nos côtés des collègues de mon père et leurs épouses. Les hommes m'ignorent, et leurs femmes se contentent de m'adresser, ou du moins d'adresser à ma mère quelques compliments polis à mon sujet. Moi, je reste presque immobile, souriant naïvement lorsque par le plus grand des hasards, quelqu'un venait à poser les yeux sur moi. Tiré à quatre épingles, lavé, savonné, ratissé, peigné, ciré, lissé, frotté, brossé, nettoyé au dehors, irréprochable, poli comme un caillou : dirait Victor Hugo. Je restait concentré, je ne pouvait pas me permettre moins que la perfection. Puis vient le moment fatidique, les jurés vont annoncer le gagnant : mon père. Celui-ci se lève, réajustant le col déjà parfait de sa chemise de luxe, un air faussement surpris, faussement modeste aussi. Il se dirige vers le micro, et avant de pouvoir commencer son discours, il profita durant quelques secondes de la foule l'acclamant. Des hypocrites, des requins des finances prêt à tout pour prendre sa place, et qui l'acclamaient pourtant un sourire hypocrite aux lèvres. J'étais tellement dubitatif face à cet horripilant balai d'hypocrisie, que j'eu le malheurs d'oublier d'applaudir mon géniteur. C'est le regard de ma mère que j'eu croisé l'espace d'un instant, un regard glacial, transperçant. Un regard qui me fit l'effet d'une gifle. En tant que progéniture, et particulièrement fils unique du meilleur homme d'affaire de l'année, je devrais déjà être debout, applaudissant tel un robot, un sourire délicat au coin des lèvres. Mais il n'en fut rien, me précipitant alors pour réparer cette erreur, j'heurta le pied de la table, renversant ainsi le Cocktail Mimosa de ma mère sur sa robe. L'espace d'un instant, la terre arrêta de tourner, mon monde sembla s'écrouler. Personne ne semblait s'en être aperçu et pourtant, le regard de ma mère qui essuyait discrètement sa robe semblait vouloir me dire : tu me le paieras.
Puisse votre division contribuer à l’ascension de mon ravissement vers les délices de l’extase. #Adolescence
Lorsque j'ai atteint l'âge d'entrer au lycée, j'ai enfin pu remplacer mes professeurs particuliers par les professeurs du lycée privé le plus réputé de l'Upper East Side. Quelle erreur pour mes parents, j'étais comme un enfant privé de bonbons pendant des années que l'on mettrait d'un coup d'un seul dans l'usine de Charlie et la Chocolaterie en lui disant " ne mange rien ", mais en le laissant sans surveillance. Evidemment ce fût un carnage, drogues, alcool, sexe, beaucoup de sexe, mais pas autant que de drogues. Bref, l'apogée de la débauche. A cette époque, mes parents vont dépenser une fortune pour faire taire les médias, souvent friand de se genre de comportement de la part des gosses de riches. J’enchaîne les cures de désintoxication dans les cliniques les plus privées et les plus discrètes de Manhattan, avec un pseudonyme.
L'autre partie de mon adolescence est bien plus sombre. Voyant que mon comportement mettait bien trop en danger leur précieuse image, mes parents mon envoyé dans un centre Allemand. D'apparence, une école privée ultra sélective. En réalité... L'enfer sur terre. On vendait au parent, l'image d'un centre qui permettait de modeler les enfants les plus récalcitrant en descendant parfait à l'image de leurs parents. Deux conditions pour entrer dans cette école : ne pas poser de questions concernant les méthodes utilisées, et payer des " frais de scolarité " s'élevant à six chiffres par an. J'y suis resté 5 ans. Et celui que j'étais en y rentrant, n'en est jamais sorti.
Les pratiques officieuses de cette école sont basées sur les travaux du physiologiste russe Yvan Pavlov, l'un des pionniers sur l'étude du conditionnement. Nous n'étions ni plus ni moins que des rats de laboratoire. J'ai toujours eu peur du noir, depuis l'enfance. Toujours. Cette peur ne m'a jamais quitté. Ils l'ont découvert, et l'ont utilisés contre moi. Me faisant vivre les pires horreurs dans le noir. Des choses que je n'oserais nommer. Ils ont ensuite, assimilé cette phobie grandissante du noir avec les éléments de ma vie de débauche. Lorsque je voyais des images de jeunes alcoolisés en boite de nuit, la pièce était immédiatement plongée dans l'obscurité et les atrocités commençaient. En revanche, lorsque l'image d'un gala pompeux apparaissait ou bien lorsque je pouvais voir à l'écran apparaître mon père en grand chef d'entreprise, la pièce restait illuminée. Et je recevais de bons soins. Ces petites expériences nous prenaient presque la moitié de la semaine, mais nous n'étions jamais prévenu à l'avance de quand elles se produisaient. Résultat, après 5 années d'enfer, je suis sorti de cette école diplômé et complètement conditionné. Ils m'avaient détruit pour me reconstruire à l'image de mes parents. Je n'étais plus qu'une coquille vide, mais une parfaite coquille magnifiquement moulée selon les aspirations de mes parents.
Rien ne ressemble plus à un innocent qu'un coupable qui ne risque rien. #JeuneAdulte
Mes parents ne m'ont jamais questionné au sujet de mes années passées en Allemagne. La seule chose qui importait, c'était que leur " investissement " semblait avoir porté ses fruits. J'ai fais des études de management et d'économie, j'ai complètement coupé les ponts avec mes anciennes connaissances, et mon ancienne vie. Ma mère prend plaisir à me présenter aux enfants parfaits de ses amies parfaites. Espérant par la même occasion, trouver la femme parfaite pour me permettre d'engendrer les petits enfants parfaits. J'essaie tant bien que mal d'esquiver tout cela, quand je le peux. Mon père m'a gratifié de 5 Millions de Dollars, me disant qu'il était temps que je prenne mon envole, que je me trouve " un petit chez moi " m'a-t'il dit, et que je me lance sérieusement dans les affaires. Avec cette somme, j'aurais pu m'acheter la moitié du Bronx, mais j'ai préféré investir dans un appartement, dans l'Upper East Side, évidemment. Travaillant de chez moi, plaçant mon argent en bourse avant de trouver l'idée fabuleuse qui ferait décoller ma carrière parfaite, dans cette vie parfaite. Seule ombre au tableau, cette guirlande lumineuse sur ma tête de lit, guirlande sans laquelle je ne peux m'endormir. Seul souvenir de se passé douloureux et secret, si loin de ma vie actuelle que parfois, j'aurais presque l'impression de l'avoir rêvé.