« Papa ? » La jeune femme se retourna en fronçant légèrement les sourcils, un peu surprise de voir son père dans l'encadrement de la porte du loft luxueux qu'elle partageait avec Sam. Son père lui donnait l'impression d'avoir beaucoup vieilli en très peu de temps et surtout, de n'avoir pas beaucoup dormi. L'italien avait pourtant l'habitude des longues journées de travail, mais cette fois, Val' sentit que c'était bien plus grave qu'une toile volée ou déchirée malgré lui. « Sam ne rentrera pas. » La brune poussa un soupir et détourna les yeux avant de hausser les épaules. Le loft, c'était le sien, mais son amoureux y passait la plus grande partie de ses nuits lorsqu'il se trouvait à New York. « Qu'est-ce qu'il a encore fait ... ? » Elle pouvait comprendre la pression qui pesait sur ses épaules puisqu'elle même avait l'impression d'étouffer parfois, mais elle avait vraiment l'impression que l'annonce de sa grossesse l'avait changé, qu'il avait compris que l'avenir pouvait parfois mener à de belles surprises. « Il est mort, Valentina. » La jeune femme se retourna d'un bond alors qu'elle s'était dirigée vers la cuisine, releva un doigt pour menacer son géniteur. « Tes blagues d'italien mafieux, elles ne sont franchement pas drôle. » L'expression, sur le visage de son père, suffit à la convaincre de se taire et elle secoua la tête faiblement, cherchant dans les iris paternels la preuve de ce qu'il avançait, les prémisses de ce mensonge qu'il venait de proférer. « Je suis désolé. » Cette fois, la jeune femme secoua la tête avec insistance, recula d'un pas alors que son père s'était approché pour la prendre dans ses bras. Francesco Bugatti n'avait jamais été très tactile avec sa fille, de manière générale, et Valentina comprit rapidement qu'il n'y avait aucune matière à interprétation. L'homme qu'elle aimait, le père de son enfant, était mort. Les sanglots quittèrent ses lèvres au moment même ou l'italien la serrait contre lui et elle sentit son corps trembler, ses jambes faiblir sous son poids alors qu'elle s'abandonnait complètement à sa douleur.

Quelques minutes plus tard, néanmoins, l'italien poursuivit. « Thomas pourrait te changer les idées. Il a aussi perdu un frère, je pense que vous pourriez vous comprendre. » Rapidement, la brune s'extirpa des bras de son père et essuya furieusement ses larmes. « Ah oui, enceinte d'un homme mort. La honte de la famille. » Valentina posa son visage entre ses mains, dut s'asseoir sur le canapé du salon alors que les lieux tournoyaient douloureusement devant ses yeux. « Ce n'est pas ce que j'ai dit. Mais lier notre famille à celle des Westlander pourrait nous être utile et tu sais aussi bien que moi que tu dois te ressaisir. Ta carrière vient tout juste d'être lancée, tu es jeune et tu as toute la vie devant toi pour faire des projets d'avenir. » Le regard vide, baigné de larmes, Valentina hocha la tête et essuya ses yeux, non sans regarder droit devant elle. « Tu veux que je le rencontre quand ... ? » Elle savait que son père ne lâcherait jamais prise, qu'elle devait s'incliner pour mieux rebondir.
« Amelia ! » Énervée, Valentina réduisit à néant la distance qui la séparait de sa nouvelle mannequin, perchée sur de fabuleux escarpins. Vêtue d'une jupe noire cintrée qui lui arrivait à la taille et d'un débardeur blanc cassé particulièrement chic, la jeune femme avait noué ses cheveux en un chignon ravissant et parfaitement bien réalisé. « Qu'est-ce qui s'est passé, il y a dix secondes ? Tu as répété ta marche une bonne centaine de fois ! » La jeune femme blonde, qui devait tout juste avoir vingt ans, ouvrit légèrement la bouche une première fois, poussa finalement un soupir. « Je ne sais pas. Le stress, la foule. Et puis c'est trop serré et les chaussures sont trop hautes. » Elle grimaça en massant légèrement sa cheville endolorie. « Le stress ? Si tu es incapable de gérer l'angoisse d'un défilé, tu ferais mieux de rentrer chez toi. » La mannequin ferma les yeux, prit une grande inspiration avant de relever la tête. « Ça ne se reproduira plus, c'est promis. » Valentina croisa les bras et détailla la jeune femme de haut en bas. « Si tu bousilles encore une fois mon défilé, t'es virée. » La brune tourna les talons sans un regard en arrière, visiblement à fleur de peau, elle aussi. Ce soir, elle allait devoir annoncer à Thomas qu'elle était enceinte et même si la perspective nouvelle de fonder une famille lui plaisait, elle ne pouvait pas s'empêcher de penser à celle qu'elle avait perdue, cinq ans auparavant.