“Milo & Isabella”

Les derniers jours avaient considérablement changé la vie d’Isabella. Elle ne savait pas comment sa vie avait pu devenir aussi compliquée en si peu de temps. Enfin, si, elle savait. Elle avait embrassé le frère de son petit-ami. Et depuis ce moment, toute sa vie semblait lui échapper. Elle avait refusé de voir l’évidence mais Vince l’avait bien obligée à le faire en lui avouant contre toute attente les sentiments qu’il éprouvait pour elle. Et depuis, elle était complètement perdue, perdue entre les deux frères. Elle se sentait horrible de faire une chose pareille à Aron, de ne serait-ce qu’envisager qu’il pouvait y avoir quelque chose avec son frère alors qu’il ne se doutait de rien. Le pire, c’était qu’après une période un peu difficile, Aron semblait réellement vouloir que tout redevienne comme avant entre eux. Il faisait des efforts, elle le voyait bien. Mais c’était comme si c’était déjà trop tard, comme si son cœur avait déjà décidé d’appartenir à un autre. Elle se sentait encore plus coupable, Isa. Alors elle cherchait à le fuir. Chez eux, elle se dérobait à chaque fois qu’il tentait un rapprochement avec elle. Et elle restait de plus en plus longtemps à l’école, à préparer le travail pour ses élèves à son bureau plutôt qu’à le faire une fois chez elle comme elle en avait toujours eu l’habitude. Ça lui faisait du bien de passer du temps à l’école. Elle adorait les enfants, surtout parce qu’avec eux, tout était toujours si facile, si léger. Ils avaient cette insouciance qui lui permettait de s’évader de son quotidien durant quelques heures. Même si, parfois, c’était un peu plus délicat. Certains élèves étaient tout ce qu’il y avait de plus sages, quand d’autres étaient un peu plus perturbateurs. Elle en avait un comme ça dans sa classe, le petit Loï. Il n’était pas méchant mais il avait une fâcheuse tendance à tester les limites. Et ça commençait à causer quelques problèmes en classe. Surtout qu’Isa n’était pas connue pour être l’institutrice la plus stricte, au contraire elle avait une douceur qui pouvait tenter les plus audacieux. Justement, alors qu’elle se trouvait dans sa salle de classe à corriger quelques copies une fois la journée scolaire terminée, la jeune femme entendit quelqu’un taper à la porte. Relevant les yeux, elle remarqua un homme d’environ son âge, peut-être un peu plus. – Bonjour, oui c’est moi. lui apprit-elle en se levant de son siège. Etant donné sa question, elle se doutait qu’il s’agissait d’un membre de la famille du blondinet. En plus, elle pouvait voir une certaine ressemblance entre eux. Un doux sourire sur les lèvres la parole, Isa reprit la parole avec bienveillance. – Je peux vous aider ? Vous êtes son frère, c’est ça ? 

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“Milo & Isabella”

Il n’était pas rare qu’en tant qu’institutrice, Isa ait rendez-vous avec les parents de ses élèves. Souvent, il s’agissait de ceux qui présentaient quelques difficultés au niveau scolaire, difficultés dont elle préférait discuter avec leurs parents le plus rapidement possible. Plus rarement, il y avait des enfants plus turbulents que les autres. Elle avait appris à canaliser leur énergie débordante mais certaines fois, c’était plus compliqué que d’autres. Elle avait remarqué le petit Loï depuis quelques semaines, déjà. Elle devait de temps à autre le reprendre et même si au début, elle s’était dit qu’elle saurait le gérer, c’était un peu plus difficile en ce moment. C’était peut-être dû au fait qu’en ce moment, sa vie personnelle était déjà très compliquée pour qu’elle soit aussi efficace que d’ordinaire. Ou peut-être que c’était lui qui avait un peu trop pris ses marques. Quoi qu’il en soit, elle était prête à en discuter avec la famille du petit garçon. Si c’était habituellement les parents qui venaient à sa rencontre, elle se doutait que le grand blond face à elle était plutôt son frère. Il avait probablement son âge, peut-être à un ou deux ans près. Se levant pour le saluer, elle l’entendit se présenter tout en lui expliquant la raison de sa venue. C’était rare que les parents viennent d’eux-mêmes, et plus encore que ce soit les frères et sœurs des élèves, mais c’était une bonne chose. Ça voulait dire que l’enfant était encadré chez lui et que sa famille se souciait de lui. C’était triste à dire mais elle avait trop souvent vu des situations où ce n’était pas le cas. Serrant la main du jeune homme, la belle brune se présenta à son tour bien qu’il devait d’ores et déjà connaitre son prénom. – Isabella Brown, je suis ravie de vous rencontrer. déclara-t-elle poliment avant de détacher sa main de la sienne. – Je vous proposerais bien de vous asseoir mais je ne suis pas sure que les chaises des élèves soient adaptées pour vous. ajouta-t-elle d’une voix amusée. Mais reprenant un visage un peu plus sérieux, elle ne tarda pas à entrer dans le vif du sujet, ce pourquoi son interlocuteur était venu dans sa salle de classe. – Loï… C’est vrai que c’est un sacré spécimen votre petit frère, vous savez. Elle n’allait pas mentir, il était même un véritable phénomène. Il n’était pas l’élève le plus coriace qu’elle avait vu, elle avait même eu affaire à certains plutôt méchants. Lui, il était vraiment gentil mais c’était comme s’il ne pouvait pas s’empêcher de faire des bêtises. C’était peut-être de famille, allez savoir.  

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“Milo & Isabella”

Dans le cadre de son travail, il n’était pas rare qu’Isabella ait de temps à autre besoin de discuter d’un élève avec un membre de sa famille. Elle était toujours encline à le faire parce qu’elle savait combien il était important pour les enfants d’être encadrés. C’était à cette période qu’il fallait absolument leur donner une structure adaptée pour qu’ils aient des bases solides pour l’avenir. C’était justement pour cette raison qu’elle avait choisi cette voie. Lorsqu’elle était enfant, on ne pouvait pas dire qu’elle était bien entourée, Isa. Elle passait de famille d’accueil en famille d’accueil, si bien qu’elle n’avait aucun encadrement familial. Ce qui avait pu lui permettre de s’en sortir malgré tout, c’était que l’éducateur qui était chargé d’elle veillait à la garder autant qu’il était possible de le faire dans la même école pour ne pas la bouleverser plus qu’elle ne l’était déjà. Ce qui normalement devait être géré par une famille, c’était l’école qui l’avait fait pour elle. Alors elle prenait son métier très à cœur, d’autant plus qu’elle adorait les enfants. Tous les enfants, même ceux qui ne filaient pas toujours droit, comme le petit Loï. Face au frère de celui-ci, elle se montra courtoise et souriante, prête à discuter de lui pour apaiser un peu la situation. Laissant un léger sourire amusé apparaitre sur son visage aux paroles de son interlocuteur, la belle entra finalement dans le vif du sujet. Lorsque le jeune homme affirma qu’elle ne devait pas pouvoir dire du mal du petit garçon étant son professeur, elle laissa échapper un petit rire avant de secouer négativement la tête. C’était faux, elle le pensait vraiment. Mais c’était peut-être justement parce qu’elle était comme ça qu’elle était professeur, et non le contraire. Plus qu’un travail, c’était une véritable vocation. – Je vous assure que non. Il a un bon fond, il est même très gentil quand il veut. affirma-t-elle avec sincérité. Parce qu’il n’était pas le plus sage, c’était certain, mais elle savait voir le meilleur en chaque élève, et plus généralement en chaque personne.

Contournant finalement son bureau, elle s’appuya sur celui-ci pour faire face à l’aîné des Jefferson. Un sourire amusé apparut sur son visage alors qu’il avouait qu’il n’avait lui-même pas forcément donné le bon exemple à son petit frère. – Oh je vois, c’est dans les gênes chez les Jefferson alors. lui répondit-elle d’une voix un peu taquine. Il avait pourtant l’air très calme mais elle voulait bien le croire sur parole, le contexte familial étant souvent d’une grande influence pour les enfants. – Mais vous êtes ici de vous-même ce soir, pour parler de lui. Alors je pense que ça veut dire qu’il peut compter sur sa famille pour l’entourer. Marquant un petit silence, elle reprit après une légère hésitation. – Comment ça se passe pour lui avec le reste de la famille ? Vous êtes plusieurs frères et sœurs, c’est ça ?
 

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“Milo & Isabella”

Tout le monde n’était pas fait pour l’école. Cela ne signifiait pas pour autant que ceux qui l’étaient étaient plus intelligents que ceux qui ne l’étaient pas, pas du tout même. Mais il y avait certaines personnes qui avaient du mal à supporter cette structure. Ce n’était pas du tout le cas d’Isabella à l’époque où elle était étudiante. Bien au contraire, le fait d’avoir cet environnement très scolaire où il y avait des règles précises à suivre l’avait beaucoup aidée à maintenir un équilibre dans sa vie, elle qui n’avait aucun encadrement une fois qu’elle en sortait. Mais, néanmoins, elle pouvait parfaitement concevoir que ce n’était pas le cas pour tout un chacun. Certains s’orientaient vers d’autres voies, d’autres baissaient les bras. Et, en fin de compte, c’était là que tout commençait, à l’école primaire. Elle pouvait souvent se faire très vite une idée des élèves qui pourraient poursuivre de longues études de ceux qui avaient besoin d’autre chose. Mais le tout était de les maintenir dans un environnement structuré pour qu’ils puissent réussir leur avenir de la manière la plus optimale qui soit. C’était en quelque sorte quand les enfants étaient encore jeunes que tout se jouait. Même si, dans son esprit optimiste, Isa était convaincue qu’il n’était jamais trop tard pour eux. Il n’en demeurait pas moins qu’elle accordait une attention toute particulière à ces élèves qui sortaient un peu du lot, ceux qui semblaient déjà à cet âge-là avoir quelques difficultés à s’adapter à l’école. Et c’était le cas du petit Loï qu’elle avait, il fallait l’avouer, de plus en plus de mal à canaliser. Elle le défendait tout de même devant le grand frère de celui-ci qui ne lui trouvait pas d’excuse. Il avait visiblement déjà été rappelé à l’ordre, autant par son institutrice que par sa famille. Mais comme Milo le disait si bien, il semblait déjà extrêmement têtu.

– Il est comme ça à la maison aussi ?

Apprenant finalement assez rapidement que le grand frère avait surement montré une voie pas forcément recommandable à ses cadets, Isa se demanda l’espace d’une seconde ce qu’il avait bien pu faire au cours de sa vie pour avoir un tel discours. Il avait l’air vraiment très gentil, pas du genre dangereux. Elle esquissa un sourire avant de reprendre la parole de sa voix douce.

– Tous les petits garçons essayent de ressembler à leur grand frère ou à leur père. Mais si vous lui parlez justement de votre expérience, ça peut aussi l’aider à ouvrir les yeux.

Elle connaissait assez bien Loï pour savoir qu’il était capable d’écouter ce qu’on lui disait et d’en retenir quelque chose. Malheureusement, il pouvait tout aussi bien décider de ne pas en tenir compte, trop tenté de poursuivre dans cette lignée. Mais elle se rendait compte, aussi, en écoutant Milo, que c’était peut-être elle qui était un peu trop conciliante avec lui. Elle était d’un naturel calme, même très patiente et douce avec ses élèves. Elle ne haussait quasiment jamais la voix, c’était peut-être arrivé une ou deux fois. Mais son interlocuteur semblait bien plus poussé dans ses retranchements. Le fait d’être dans une famille nombreuse pouvait également l’empêcher d’avoir toute l’attention dont il avait besoin pour le maitriser.

– Loï a peut-être besoin d’un peu plus d’attention que les autres. Faire des bêtises, c’est un peu son moyen d’attirer les regards sur lui, particulièrement à l’école où ils sont beaucoup dans une même classe. Il accapare à lui tout seul plus de mon temps que la moitié de mes élèves !

 

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“Milo & Isabella”

Il était parfois difficile de savoir comment se comporter avec un enfant. Même pour Isabella, à qui une aisance naturelle s’était ajoutée l’expérience de son travail, ce n’était pas toujours évident. Simplement parce que chaque enfant était différent. Et de même qu’ils avaient tous une façon d’être bien à eux, les mêmes méthodes ne fonctionnaient pas pour chacun. Pour les aider, pour Isa, le tout était de les comprendre du mieux qu’elle le pouvait. C’était ce qu’elle était en train d’essayer de faire pour le petit Loï avec le charmant grand frère de celui-ci. Elle cherchait à en savoir davantage sur sa vie, sur sa personnalité, pour pouvoir mieux saisir son mécanisme et ainsi s’adresser à lui en tout état de cause. Milo, avec sincérité et sympathie, répondait sans mal à ses interrogations tandis qu’elle l’écoutait avec beaucoup d’attention pour mieux retenir les précieuses informations qu’il lui donnait. Déjà, elle apprenait qu’à la maison, entouré de ses frères et sœurs, Loï se laissait bien souvent entraîner dans les bêtises. Elle imaginait sans peine qu’une certaine pression pouvait naître alors à celui qui ne suivait pas le mouvement. Et son comportement se traduisait naturellement en classe également. Hochant simplement la tête à ces paroles somme toutes justifiées, Isabella ne pouvait pas vraiment le contredire. Bien qu’à l’époque où elle était elle-même aussi jeune, il y avait déjà beaucoup d’intimidation. Elle se souvenait parfaitement de ce qu’elle avait vécu. Ce n’était pas la période de la vie la plus évidente pour beaucoup, et elle en avait fait partie.

– C’est l’âge le plus difficile pour eux, particulièrement pour ceux qui sont influençables.

Mais, quelque part, la jeune femme se disait que, peut-être, l’expérience de l’aînée pourrait aider ses cadets à se rendre compte de certaines réalités. Elle ne savait pas exactement ce qui avait pu arriver dans la vie de Milo. Mais il avait laissé assez d’indices pour qu’elle comprenne qu’il n’avait pas eu l’enfance la plus simple qui soit, comme il n’avait pas non plus choisi le chemin le plus approprié. Son interlocuteur semblait toutefois moins optimiste qu’elle. Il avouait que ses frères et sœurs avaient eu l’occasion de constater les dégâts que les conneries à répétition pouvaient entraîner sur une vie, justement sur lui. Mais, selon lui, ceux-ci étaient convaincus qu’il ne pouvait rien leur arriver. C’était surement imprudent, voire inconscient de leur part. Seulement, c’était rassurant en quelque sorte. Cela voulait dire qu’ils étaient dans un environnement stable malgré tout. Elle se souvenait parfaitement qu’enfant comme adolescente, elle n’osait jamais faire aucune bêtise par peur de se retrouver en foyer. Cela ne lui avait pas porté chance pour autant parce qu’elle avait enchainé les familles d’accueil. Et elle en gardait encore aujourd’hui des traces dans sa personnalité, elle qui n’osait que trop rarement affronter ses envies. Elle ne le faisait qu’en s’en remettant à Vince en réalité. Vince… Chassant rapidement ses pensées de son esprit, la belle brune reprit la parole pour répondre à son interlocuteur.

– Et ce n’est plus le cas ? Alors tout n’est pas perdu pour eux.

Elle lui adressa un doux sourire, plus confiante qu’il ne l’était. Peut-être plus naïve aussi. Elle restait malgré tout dans l’optique de trouver une solution pour Loï. Il était encore si jeune, alors son cas était encore loin d’être désespéré. Et puis, ce n’était pas dans sa nature de baisser les bras, encore moins lorsque ça concernait l’un de ses élèves. Reprenant la parole, Isa proposa finalement de donner une attention toute particulière au petit garçon, surement un peu perdu au milieu des enfants autour. Elle savait ce que c’était, une fois de plus. Milo confirma assez vite ses paroles, ajoutant que dans leur famille, chacun n’avait que peu de temps à accorder à l’autre. Elle savait que le petit Loï ne vivait pas dans les quartiers les plus faciles de la ville. Son environnement n’était sans doute pas étranger à son attitude. Il ne faisait que reproduire ce qu’il connaissait malheureusement.

– Je sais ce que c’est. C’est dur de ne pas se noyer au milieu de tout ça. Peut-être qu’il a simplement besoin de sentir qu’on lui accorde de l’importance, ce que je peux essayer de faire. J’avoue que je préfère ça plutôt que le punir tous les jours. termina-t-elle avec un petit sourire assez adorable sur les lèvres.



 

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