J'ai eu du mal à y croire, quand ils ont amené le fauteuil. Je pensais pouvoir marcher avec de l'aide, du soutien... Mais Nirvana m'a dissuadé de tenter le coup. Elle m'à dit que je ne pouvais pas tenir, que je m'écroulerais au premier pas. J'étais tellement en colère envers ceux qui m'avaient mis dans cet état. J'avais envie de vengeance, mais je voulais laisser ça de côté. Pour Nirvana. Mais aussi pour moi-même. Je ne suis pas un meurtrier. Je l'ai été par obligation. Je ne m'abaisserai plus jamais à ça, ni à quelconque revanche... Je vais simplement profiter de la présence de ma fille...

Je la laisse m'aider à contre coeur à m'assoir dans ce fauteuil. Je me sens vraiment étrange. Je me sens presque honteux de me déplacer là dedans, et j'arrive pas de suite à bien m'en servir.

Le trajet en voiture se passe plutôt bien. Plutôt silencieusement en fait. J'essaye d'encaisser ce qui m'arrive sans broncher. Mais Nirvana détend l'atmosphère en parlant de la bouffe de l'hôpital. Je ris un peu.

- C'était pas pire que mes boites de conserve.

Je suis pas du genre à cuisiner alors... Avant que l'on arrive chez moi, je lui demande

- Rafale n'a pas trop fait de conneries? Je sais qu'elle est infernale quand je suis pas là. Désolé.

Faut dire que j'étais vraiment attaché à ce cleps. C'est simple, jusqu'à maintenant c'était le seul être vivant que j'aimais. Avant de connaitre Nirvana. Et de revoir... Olivia. Mais je préfère pas m'étaler sur le sujet.

Je lâche un soupire alors que Nirvana est partie chercher le fauteuil, me portant à moitié pour m'assoir dedans. Je déteste ça. J'ai envie de péter un plomb, de hurler. Mais Nirvana ne mérite pas ça. Alors je fais tout pour me calmer, même si on peut très bien traduire ce que je ressens sur mon visage.

J'essaye de rouler seul jusqu'à l'immeuble histoire de garder un minimum de dignité. Je laisse Nirvana ouvrir la porte, puis appeler l'ascenseur. J'essaye ensuite d'entrer dans l'ascenseur mais je n'arrive pas à bien manier ce foutu fauteuil et je tape à deux reprise la roue droite dans le mur. Je perds patience. Je craque. Je manque de lâcher un juron, ou de rejeter Nirvana, mais je me retiens. Mes nerfs lâchent. Je ferme un instant les yeux, tentant de me calmer. Je lui dis juste froidement.

- Ramène moi chez moi...

J'essaye de me calmer, me laissant guider par Nirvana. C'est elle qui a mes clés, depuis qu'elle s'occupe de Rafale. Elle ouvre donc la porte de mon appartement peu luxueux. Raf débarque comme une furie et me saute dessus, ses pattes avant atterrissant sur mes genoux. Je lui adresse un léger sourire, frottant sa tête avant de la repousser pour qu'elle descende. J'étais bien plus gaga que ça avec elle habituellement. Mais là j'étais pas vraiment dans mon assiette, et Rafale le compris très vite, allant se coucher, le museau entre les pattes, nous regardant d'un air triste.

- Nirvana... Merci pour tout. Vraiment.

Je ne la regardais pas, fuyant son regard. Je voulais qu'elle me laisse maintenant. J'avais besoin de digérer tout ça. Et je ne voulais pas faire de nouvelles tentatives de manipulation de fauteuil devant elle. Je me sentais vraiment mal.

Le soir tombe, et je suis enfin chez moi. Je ne supporte pas l'état dans lequel je suis. J'avais hâte de rentrer, mais maintenant que c'était le cas, c'était presque pire qu'à l'hôpital. Car quand j'étais là bas, je me disais que j'allais bientôt partir. Mais maintenant que c'est fait, je me rends compte que je suis en fauteuil, et que je suis incapable de me débrouiller seul. En plus mon appart' miteux n'est pas du tout fait pour se déplacer en fauteuil. Je passe même pas les portes... Rien que d'y penser, je suis partagé entre la colère et la dépression...

Je remercie Nirvana sans oser croiser son regard. Puis je la vois s'accroupir face à moi, comme elle le ferait avec un enfant de trois ans... Je ne supporte déjà plus ma condition... Mais je sens alors sa main sur ma joue. Et ça me fait du bien. Jamais personne ne m'a traité ainsi, avec autant d'amour dans les gestes et dans la voix. Peut-être fait-elle vraiment tout ça par amour, et non par obligation. Je l'espère... Je ne sais pas trop quoi en penser.

Alors que je l'écoute, mes yeux bleus brillants sont plongés dans les siens. Ils sont chargés d'émotion. Ils essayent de comprendre pourquoi Nirvana est si bonne avec moi, et aussi ils sont touchés. J'entre ouvre légèrement mes lèvres, hésitant en ce qui concerne ma réponse, et je passe à mon tour ma main sur ma joue, affichant un sourire sincère. Un sourire qu'il est rare de voir sur mon visage.

- Je veux bien mais... Je veux surtout pas que tu t'obliges. Je pourrai très bien me débrouiller seul t'en fais pas.

Mensonge? Totalement. Mais je veux pas que Nirvana s'inquiète pour moi, et encore moins qu'elle s'oblige à rester.

- Je ne me sens pas obligée, j'ai envie de rester avec toi.. vraiment..

Un sourire se dessine sur mes lèvres. Je suis touché par tout ce qu'elle fait. Elle me demande alors ce que je veux faire, et l'imaginer m'aider à me laver et tout le reste... Ca me fout des frissons dans l'dos. Je déteste avoir à dépendre d'elle ainsi... Déjà qu'à l'hôpital ça n'avait pas été simple... Et encore là bas tout est adapté pour les... handicapés. J'ai encore énormément de mal avec ce mot.

- Euh non ça va merci. Dis moi plutôt ce que tu as envie de faire?

J'essaye de voir ça comme des moments père fille. Après tout, ça peut le devenir. Je préfère largement voir ces moments comme du temps passé avec ma fille que comme du temps passé avec une infirmière. Et puis j'avais envie d'apprendre à connaitre Nirvana. On n'a pas vraiment eu cette occasion à l'hôpital.

Je semblais plus détendu maintenant. Je suis content que Nirvana soit là, et j'essaye d'oublier un instant ce foutu fauteuil. Raf revient un instant près de moi, comme si elle avait compris qu'elle pouvait revenir. Je la gratouillai un instant, bien plus affectueux qu'à mon arrivé.

- Comme tu peux l'voir c'est pas le grand luxe chez moi. Et j'ai pas grand chose à part quelques films, de la musique et de la bière. Et des cartes. On pourrait se commander une pizza?

J'essaye d'être simple, cool. C'est un peu comme ça que je suis dans la vie de tous les jours. Y'a qu'à voir mon appart'. Pourtant j'ai les moyens d'avoir mieux. Mais je sais pas comment m'y prendre avec les gens, et encore moins avec ma fille. J'espérais vraiment qu'on allait bien s'entendre. Jusque là c'était plutôt réussi.

J'affiche un sourire alors qu'elle semble apprécier l'idée de commander des pizzas. J'ai encore du mal à savoir si elle est contente d'être ici, ou si elle fait tout ça par obligation, ou juste pour me faire plaisir. J'espère que ça lui fait plaisir, même un tout p'tit peu, de passer du temps avec son père. Ce mot parait encore étrange dans ma tête. Je suis père. Wouaw. Est-ce qu'elle m'appellera papa un jour? Ça me ferait vraiment bizarre. Mais ce serait carrément adorable aussi...

Elle prend donc son téléphone pour commander les pizzas juste après que je lui ai demandé une pizza chorizo poivrons pour ma part. Je ne compte pas me laisser morfondre ce soir. Nirvana est avec moi alors il est hors de question que je passe la soirée à me plaindre ou à m'énerver. Et je ne veux pas non plus me laisser aller, et devenir un fardeau pour elle. J'ai besoin d'aide c'est vrai, mais je vais lui prouver que je peux faire certaines choses seul, et ainsi la rassurer un peu.

Je profite qu'elle soit occupée au téléphone pour ne pas trop s'inquiéter pour moi. Pendant ce temps je pousse les roues de mon fauteuil vers la cuisine. Eh bah voila, j'arrive a avancer déjà c'est un bon début! J'arrive devant l'entrée de la cuisine et l'avance le plus possible. Mon fauteuil passe pas la porte ça fait chier. Heureusement que mon frigo est juste à l'entrée. Je me penche et attrape le décapsuleur aimanté sur le frigo que je pose sur mes genoux, puis j'ouvre le frigidaire et attrape deux bouteilles de bière du bout des doigts en me penchant le plus possible. Je les récupère et ferme la porte du frigo. Et hop, même pas de casse! Juste un peu de douleur dans le dos et les côtes, mais ça passe! Je me rapproche presque fièrement de Nirvana dans le salon en lui tendant une bouteille, un sourire complice sur le visage.

Une bière?

L'avantage que ma fille ait déjà 22 ans, c'est qu'elle peut boire une bière avec moi!

Nirvana m'aide ensuite à m'assoir sur le canapé. Je déteste tellement me faire porter comme une vraie loque... Mais j'essaye de pas y penser, de penser uniquement à Nirvana et à notre soirée. On discute un peu, puis le livreur arrive. On mange notre pizza devant un film d'horreur (le pied!) puis on enchaine avec un second film. Lentement, mes yeux se ferment. Je crois que ces derniers jours ont été éprouvants... Et on est tellement mieux chez soi qu'à l'hôpital! Je finis par m'endormir paisiblement dans mon canapé, aux côtés de ma fille.

Je sens une main caresser mes cheveux. Ca me plait de me faire un peu chouchouter, je dois l'avouer. Je n'en ai jamais eu l'habitude. J'ouvre doucement les yeux, et je regarde Nirvana me dire que je me suis endormi.

Désolé...

Je voulais pas écourter notre soirée, mais je suis complètement HS. Alors je laisse Nirvana m'aider à aller dans ma chaise, puis me mettre dans mon lit. Pour l'instant je préférais rester habillé, tout ça parce que je n'avais pas envie que Nirvana ait à me déshabiller et à m'habiller tel un cadavre incapable de bouger. Je veux pas de cette vie, ni pour elle ni pour moi. Je crois que je vais avoir énormément de mal à supporter ça. Peut-être que je devrais laisser un peu mon égo et mon amour propre de côté... Mais j'y arrive pas. Cette situation... C'est juste insupportable.

Mes yeux commencent à se fermer tous seuls. Mais je sens alors Nirvana s'allonger près de moi, et me demander si ça va. J'ouvre les yeux et m'aide de mes bras pour me tourner vers elle. Mes jambes ne suivent pas. Ca me rend dingue, mais je m'abstiens de le montrer. J'affiche un sourire. Je me veux réconfortant.  

Ca va. Et toi?

Je passe un instant ma main dans ses cheveux tout en la regardant. J'ai parfois du mal à m'empêcher de l'observer, d'observer chaque trait de son visage, tout en me répétant qu'elle est ma fille. Mais doucement mes yeux se ferment. Alors je me rapproche un peu de ma fille et passe mon bras autour d'elle. Il faut croire que j'ai besoin de plus d'affection que je ne le prétend.