« Non… ne m’envoyez pas là-bas… » Répétait sa voix faible dans l’ambulance. Personne ne l’écoutait.

Allongé dans la civière de l’ambulance d’urgence, ses globes oculaires commençaient déjà à révulser par instants lorsque ses yeux daignaient de bien vouloir s’ouvrir. Sa vision devenait floue, à plusieurs reprises il se sentit partir. La sueur mouillait ses cheveux, témoignant d’un état physique inquiétant, son rythme cardiaque augmentant autant que sa tension baissait, tandis qu’il gémissait encore de ses douleurs multiples tout en se crispant de celles qui assaillaient dès à présent son ventre.
Lorsqu’il entendit la voix du médecin présent, soudainement la raison lui revint une fraction de seconde.

« Il faudra absolument l’emmener au bloc pour lui faire un lavage gastrique par intubation trachéale, avec tout ce qu’il doit avoir avalé. »
Les dernières réserves de ses forces le motivèrent à tenter le tout pour le tout de se relever, mais promptement retenu de force par l’équipe médicale présente.

Lors de son arrivé à l’hôpital, il fut emmené de force, toujours coincé dans sa civière pour le transporter dans laquelle il fut mis en contention, jusqu’au bloc où le lavage de son estomac commença. Suite de quoi, une fois l’opération accomplie, il finit par s’endormir.
Plus tard, sans doute serait-il changé vers le service psychiatrique de l’hôpital, car tel les médecins pensaient qui était le plus adapté pour son cas.
Pour le moment ils avaient décidé de le laisser en surveillance.

Un légume.
Ainsi il se réveilla de son état précédent, le teint blafard et le regard vague fixant un point invisible dans le vide, ne sachant plus vraiment s’il avait faim ou soif.
Pourtant, c’était loin d’être la première fois, et encore une fois il venait de frôler la mort par intoxication ou overdose, tant la nature de ce qu’il avalait en trop grande quantité variait de temps à autre lorsque lui venait une nouvelle crise de phase dépressive.
La négligence abusive qu’il avait de son propre être, l’abandon total de contrôle de ses propres pulsions, et tout cela exagéré par les crises dont il était parfois sujet dus à sa pathologie, avaient fait qu’il se retrouvait souvent ainsi. Pourtant avec le temps, il lui semblait qu’il supportait de moins en moins le milieu hospitalier, mais n’avait jamais rien fait pour y remédier.
Ce dernier tenta alors de se lever de son lit, constatant de son état. Il était en chemise d’hôpital, car la plupart de ses vêtements avaient été souillés par un mélange de sang, de vomi et de transpiration excessive.

Dès qu’il se senti mieux, celui-ci quitta plus ou moins difficilement le matelas. Ses affaires avaient été posées dans un sac plastique rigide non loin de lui.
Les cernes aux yeux, la gueule enfarinée, il entreprit de saisir dans la poche de sa veste à l'odeur douteuse une cigarette dans un paquet presque vide, ainsi que son briquet.

C’est à l’instant même où il mit la clope à sa bouche que quelqu’un entra dans la chambre d’hôpital précédemment vide de présence.

 

Un nouvel invité arriva alors, dans un lit roulant, également accompagné d’une infirmière qu’il connaissait déjà. Qu’il connait déjà très bien même. Dès qu’il vit le visage de cette dernière, ce fut simple dans son esprit, son expression se figea sur elle, comme si un sentiment d'agacement mêlé de dégoût l'eut saisi dès qu’il la vit.
Il se mit alors à suivre ses gestes lorsque cette dernière s’occupa du nouveau, visiblement dans le même style de situation que lui. Tentative de suicide ? Le jeune homme observait les bras de celui-ci en dehors de la couverture. Il s'était taillé les veines ? Un grand classique, et vraiment pas si rare dans cette partie de l’hôpital. Quelqu'un un peu comme lui, et comme beaucoup d'ailleurs. Owens éprouvait un certain détachement par rapport au cas de ce dernier, et pourtant la curiosité finissait par le faire s’intéresser à lui. Toujours clope en bouche, il se mit à l’observer alors, comme on pouvait analyser un camarade de cellule pour trouver chez lui une chose qui pourrait trahir sa personnalité, le genre de personne qu’il était, et se liguer ensemble contre l’ennemi; L’ennemi c’était elle.

Et l'infirmière, de son prénom Sienna, qu'il connaissait grâce -ou plutôt à cause- de Billie, venait soudainement de le remarquer, levant le regard vers lui. Le jeune homme aux yeux cernés avait envie de répondre à son soupir par une critique aussi subjective qu’agressive, mais elle ne lui laissa pas le temps et commença par lui faire remarquer que s’il ne rangeait pas sa cigarette, elle s’en irait avec ses affaires, le laissant bien sûr nu sous sa chemise d’hôpital étant donné que tout avait été sali.
Visiblement tout était réciproque ici : il la faisait chier, elle le faisait chier, comment ne pas être plus en accord que cela ?

Les hostilités venaient déjà de commencer .

« Hein ?? » avait-il répondu alors, à la fois surprit, offusqué, et ressentant encore les effets des cachets qui avaient manqués de le tuer le rendant un peu lent à la détente.

Retirant sa cigarette de ses lèvres, mais la gardant encore entre ses doigts pour mieux pouvoir s’exprimer, il poursuivit alors, d’une voix déjà plus « réveillée » :

« Jpeux même pas sortir dehors, vous avez vu le truc à la con que vous m’avez mis ? On voit la raie de mon cul derrière ! Faites pas chier sérieux ! », rétorqua-t-il alors, se tournant brièvement pour faire comprendre la situation, tandis qu'effectivement, on pouvait remarquer son fessier blanc qui semblait également ne pas avoir beaucoup vu le soleil.

Elle ne l’écoutait même pas. Il regardait l’infirmière s’occuper du nouvel occupant de la chambre, qui semblait encore un peu faible. Elle l’ignorait totalement, alors il se mit à pester dans son coin dans sa langue maternelle en lâchant un petit « Whatever, fuck off ».

Il reposa néanmoins la cigarette et le briquet sur sa table de chevet, toujours debout, mais il ne comptait pas se taire pour autant.

« Quand es-ce que j'ai droit à mes anxiolytiques sinon ? Ça commence à légèrement me gaver ici. »

Owens ne s'était pas encore adressé à son camarade de chambre, mais il lui lançait par moments des regards, attendant si l'infirmière se déciderait peut être de quitter la pièce, temporairement ou non.

Tu ignores le vide devant toi, les vertiges et la peur tu connais pas... Seule au milieu des loups, tu t'enfonces au bord des précipices. Dans la cité perdue, au travers de la nuit, toi tu vas bien. En travers la douleur et la mélancolie, tout ira bien. Owens / Gabriel / Sienna

Je suis encore pas mal dans le cirage et je ne comprends qu’à moitié ce que l’on me dit. « Tu ranges cette cigarette tout de suite Owens ou je te prends tes affaires. Là, ça va ? » J’acquiesce faiblement, gardant difficilement les yeux ouverts. Néanmoins, j’entends une autre voix qui s’élève, visiblement celle d’un homme : « Hein ?? Jpeux même pas sortir dehors, vous avez vu le truc à la con que vous m’avez mis ? On voit la raie de mon cul derrière ! Faites pas chier sérieux ! » Le dit Owens n’est visiblement pas ravi d’être ici et je ne peux que le comprendre. « Whatever, fuck off » Il n’est pas du coin non plus je dirais. J’ai compris ce qu’il a dit. « Quand es-ce que j’ai droit à mes anxiolytiques sinon ? Ça commence à légèrement me gaver ici. » Et il continue de rouspéter dans son coin comme un alcoolique à qui on a donné un sandwich alors qu’il voulait du fric pour s’acheter sa bibine. Je sens que mon séjour ici, va être merveilleux. Franchement, qui est le con ou la conne, qui m’a emmené aux urgences ?! Il ou elle ne pouvait pas simplement me foutre la paix et me laisser crever ?! Les gens n’ont vraiment aucun respect…

Ma tête tourne pas mal et je suis au bord de la nausée mais soit, puisque je suis ici pour un long moment, je vais tellement les emmerder qu’ils ne voudront plus de moi. Je vais tellement les emmerder qu’ils ne prendront plus la peine de me soigner ! Comme ça, j’arriverais peut-être à mes fins sans qu’un élément perturbateur ne fasse tout foirer. « J…j’ai froid… » Je ne sais même pas si on m’a entendu. Je suis toujours en vie et c’est plus que décevant. Le prochain coup, j’irais dans un endroit où personne ne pourra me voir. En attendant, je me gèle sévère avec leur foutu chemise bleue ouverte à l’arrière ! Je me suis souvent demandé pourquoi on nous mettait ça, et puis, l’évidence était devant mon nez sans que je ne la vois : c’est plus simple d’être sapé comme ça quand on doit se faire ramoner ! Ouais, c’était ça la réponse à ma question.

L’infirmière ajoute une énorme couverture sur moi, la remontant jusqu’en dessous de mon menton : « …ci… » J’ai mangé la première syllabe mais ce n’est pas grave. Je frissonne légèrement et grimace en sentant la perfusion dans mon bras. Poussant un peu la couverture, j’attrape l’embout que j’essaye d’arracher mais, bien évidemment, on m’en empêche. Ce n’est pas grave, je le ferais quand Sienna, car oui c’est elle, sera partie. Et je suis sûr que mon camarade de chambrée ne dira rien et n’interviendra pas. Ça me console un peu si je peux dire ça comme ça.

(c) crackle bones

HRPG :

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