Les lèvres pincées, elle est assise en tailleur sur le tapis persan du salon, sa guitare posée sur les cuisses et le bout des doigts emmêlé dans les cordes. Chaque fois que ses phalanges bougent, une note sort du corps de l'instrument qui lui fait tirer le même sourire béat que la première fois. Elle a la candeur d'une môme quand ses doigts glissent sur les frètes. "T'as entendu ça ?" elle fait, les yeux rieurs en relevant la tête vers le brun qui vient de passer la porte. Oh, il a sûrement entendu, Hel veut juste se la péter un petit peu avant de passer aux choses sérieuses, c'est plus fort qu'elle et Riley ne lui en tiendra certainement pas rigueur. Ils se connaissent depuis des années, il en a vu des pires et si son tempérament l'avait dérangé, il se serait sûrement manifesté avant. Et surtout il ne se serait pas pointé chez elle quand elle l'avait appelé à l'aide pour quelques obscures raisons qu'elle n'avait pas nécessairement jugées bonnes de préciser dans le texto qui comportait plus de smileys que de syllabes.

Elle l'observe une seconde avant que son visage ne se craque en un nouveau sourire enthousiaste. A l'idée de faire un peu de bruit, à la simple idée de produire quelque chose. Avec quelqu'un, en prime - avec un pote, en plus. "T'as de la chance, j'te laisse encore la partie la plus facile..." fait la jeune femme d'un ton moqueur en désignant le djembé à quelques pas du canapé. C'est pas une batterie, mais ça fait boom aussi. Close enough, qu'elle se dit en attachant ses cheveux en chignon dont des mèches se font quand même la malle. Elle est déjà prête à commencer ; les deux caméras sont posées à leurs angles habituels et n'attendent plus qu'à être allumées et la lumière naturelle semble optimale pour tourner sans faire recours aux projecteurs. C'est le moment où jamais, quoi. Une fenêtre de quelques dizaines de minutes qu'il faut savoir saisir, comme l'aube au cinéma (c'est Elijah qui le lui a expliqué, que les scènes tournées à l'aube étaient toujours les plus stressantes, car les pastels dans le ciel finissent inexorablement par disparaître et qu'il faut savoir réagir très vite pour n'en rien louper). "On la répète une fois et on enregistre après ?" finit-elle par proposer en assumant qu'ils sachent tous les deux ce dont il est question au moment où elle pose son interrogation.

"Bien sûr que j'ai entendu ! Et à mon avis, tes voisins aussi !" il lance et elle ne prend pas tout à fait le temps de décrypter son intonation. Son sourire s'élargit juste un peu plus, elle le dévisage avec une sorte d'incrédulité et finit par pouffer de rire. "Et je suis sûre qu'ils ont adoré," rétorque la petite brunette en posant sa guitare, celle sur laquelle elle joue depuis si longtemps qu'elle en a creusé le manche, contre le canapé. Elle s'étire brièvement, lisse sa robe à fleurs et réajuste son gilet dans le même mouvement avant de ne s'avancer vers Riley. Hel le salue à peine, passe vite fait une main joueuse dans sa tignasse qu'elle jauge d'un regard désapprobateur. Il pourrait être son grand-frère ; dans un sens c'est tout comme. "Tu les coupes quand ?" elle demande dans un coup de vent. Ses pas l'éloignent déjà du garçon, attirés par le micro qu'elle traîne au milieu du salon et branche rapidement. Il n'a pas tort, elle est concentrée sur ce qu'elle fait et très peu intéressée du reste.

Elle vire ses chaussures à l'autre bout de la pièce dans un coup de pied indifférent, vérifie une seconde ce dont elle a l'air dans le miroir qui lui sert normalement à rediriger la lumière et retouche rapidement son rouge à lèvres. A nouveau elle s'illumine, rit avec les yeux quand Riley donne un peu de rythme au silence qui n'a pas le temps de s'installer. "Eh, minute ! Va falloir que tu me files le nom de la chanson avant de répéter quoi que ce soit ! Ne serait-ce que pour que je l'écoute si je la connais pas... Autrement, je peux y aller en impro totale, mais bon..." Elle hoche la tête en revenant s'asseoir à la place qu'elle occupait quelques instants plus tôt. "Tu la connais, tout le monde la connait, elle passait en boucle à la radio. Stolen Dance ?" cette fois elle semble être un peu plus sérieuse, se pince les lèvres en attendant la réponse de son ami. Et pour ne pas lui laisser le temps de douter, elle enchaîne sur une musique imaginaire, la tête qui balance comme celle de ces babioles qu'on colle sur les plages arrières : "I want you, we can bring it on the floor, you've never danced like this before..." et elle gesticule encore un peu plus sur la mélodie qu'elle a du mal à laisser partir.