Marion, belle Marion. Petite ville de la Caroline du Sud ou les murs étaient défraîchis par les âges, par le temps.

Père absent, mère aimante elle prenait soin de lui tout en sachant se montrer intransigeante lorsqu’il le fallait, et même lorsqu’il ne le fallait pas. Peu doué pour les études la passion d'Andy était évidente. Passionné de musique sa mère avait tout d’abord considéré cela comme une simple fantaisie qui finirait par passer, elle finit par admettre que c’était là l’œuvre de sentiments bien plus profonds qu’elle ne l’avait tout d’abord cru. Il suffisait à Andy d’évoquer le sujet pour ses yeux s’illuminent d’une lueur inattendue, pour que son attention soit soudainement focalisée sur la conversation et qu’un sourire s’épanouisse sur ses lèvres délicates.

Il quitta les Etats-Unis à dix-neuf ans, plein de vie et curieux de l'avenir. Il voulait voyager, découvrir ce qu'il était capable de vivre et faire. Arrivé a Londres son esprit s’évadait déjà à travers les pluies froide de se nouveau climat qui chantaient leur douce mélopée bruissante sur les branches encore à demi nues. Cette ville était magnifique en son cœur, et sa mélancolie sourde.

Soirées, fêtes, le monde de la nuit s'offrait à lui. Quelques petits boulots la journée et parfois la chance de se produire dans un bar branché le soir, il n’y avait vraiment que là qu'il s'y plaisait. Dans la lumière filtrée, tamisée, dans l'obscurité complice qui atténuait les choses. Il commençait d’abord avec quelques notes, lentes et chaloupées. Sa voix s’élevait ensuite, fredonnant des accords plu
s mélodieux. La musique se déployait, se déroulait en écheveaux sonores et en petites cascades de notes rapides qui firent comme des ruissellements de joyaux infimes. Les cordes vibrionnaient, les doigts s’y plaquaient, pinçaient, animés d’une précision immense qui s’effilochait parfois en hésitations perceptibles quand Andy semblait perdre le fil de ces improvisations qui se glissaient dans le motif principal. On sentait que cela servait autant à divertir le public qu’à mémoriser définitivement les quelques accords qu’il avait composés sur un coup de tête.

Toujours accompagné, jamais seul, les filles d'un soir défilaient. Et puis il y a eut cette fille, Charlie. Il ne pouvait retenir son souffle quand il posait ses yeux sur elle. Les prunelles bleutées brillaient, brûlaient, dans ce visage façonné de beauté que tant d’artistes auraient pleuré de pouvoir sculpter. La chevelure, blonde, ruisselait en crinière abondante et brillante comme des fils d’une soie faite au cœur du soleil. Dix sept ans et déjà si ardente dans sa magnificence suprême qu’on se prenait à détourner le regard de peur qu’il n’y fût brûlé.

Passion charnelle, amour véritable. Andy à vingt et un ans et Charlie dix-huit. Les yeux grands ouverts, repus, extasiés, et les sens alourdis, le monde s’était soudain comme renversé. Les musiques se succédaient, les sons devinrent images, matérialisés par les détails, les mots. Le rêve qui s’y glissait lui donnait le vertige, depuis quelques mois déjà l'envie de voyager, de retourner au États-Unis avec le souhait d'avoir une boutique de vinyles, simple, vintage, à son image. Une idée qui lui est venu d'une importante rentrée d'argent suite à un héritage et une passion dévorante pour la musique. Il ne mit pas très longtemps à convaincre Charlie de le suivre.

New York, jolie New York. Dans un coin de Brooklyn, une petite boutique était telle que le propriétaire l’avait laissé. De vieux vinyles étaient soigneusement disposés au centre d’un échiquier de bois précieux, mais usé par le temps. Comme s’ils faisaient partie de ce tout. Les craquelures s’accordaient à merveille à exprimer cette notion linéaire qui forgeait les croyances et l’existence. Le Temps. Une boutique empli de potentielle qui mourait par endroits. Qui se désagrégeait. Les meubles étaient vieillis et le bois ancien qui y était sculpté possédait un brun chatoyant qui contrastait avec le sol sur lequel ils étaient déposés. Le velours de l’obscurité laissait planer dans le lieu un côté mystique. Les tendres lueurs dorées faisaient scintiller la peau des deux êtres aimés.

Les années passèrent, bercées dans un amour sincère, mais offert aux extravagances de rencontrer d'autres partenaires et d'être guidés par leurs caprices brûlants. Andy rencontra la jolie brune, Priam, durant un concert, une soirée ou son souffle était venu se tarir contre sa poitrine. La drogue rendait les choses passionnelles, aiguës et sensuelles. Il concentrait son esprit, comme la lumière dans un prisme, sur une infinité de détails anodins qui éclataient à ses sens engourdis. La chevelure sombre de Priam accrochait la lumière comme des soies d’araignées dans le soleil matinal. Une nuit passionnée qui aurait du être la seule. Priam, jolie Priam. Attirance brûlante, il continua à la fréquenter. Relation unique, moments privilégiés avec chacune des deux. Jeu dangereux, un triangle amoureux se dessina. Andy voulait Charlie, Andy voulait Priam.

Une dispute éclata quand il appris de la bouche de Charlie, que Priam avait couchée avec un autre homme. Signant la fin du triangle amoureux. Rancœur amère, il ne l'oubliait pas. Les mois passèrent et la revoit. Priam, jolie Priam. Désire brûlant, attirance intense, l’alchimie et la complicité non pas changées.

De la tentation la plus enivrante jusqu’à sa finalité la plus brutale et la plus violente, la fin du couple. Aujourd'hui il n'est plus avec Charlie, ils se fréquentent encore, couchent ensemble et gardent a l'esprit que chacun appartient à l'autre.