Merde, je ne peux pas dormir et il est déjà plus de minuit. Je tourne et je vire sur la banquette arrière de ma voiture, essayant de trouver un peu le sommeil mais, c’est peine perdue. Demain, je vais retrouver Riley et dieu seul sait à quel point je peux être stressé. Quinze années de séparation. Quinze années où seules nos lettres échangées, me réconfortaient un peu. Mais en quinze ans, il s’en passe des choses. Des choses improbables comme par exemple, la montée fulgurante du groupe. On a atteint le plus haut des paliers putain ! J’ai de l’argent, je peux me faire plaisir et faire plaisir et pourtant, je suis le dernier des idiots. Je dors encore dans ma voiture. Les longues heures de route, les paysages à perte de vue. Mes milliers de photographies conservées dans l’espèce de vieux Note Book de nos débuts… Bon sang, et je suis encore en train de dormir dans ma voiture alors que je pourrais tranquillement être dans une chambre d’hôtel. Merde. Je suis vraiment un imbécile en plus, fuck, je me gèle et je ne sens plus mes extrémités. Et quand je parle d’extrémités, je parle de toutes mes extrémités sans exception. Avec la veine que j’ai, demain en me levant, je serais tellement malade que je vais en crever. Merde. Merde. Merde. Et ce flic là, il me surveille depuis que je me suis posé sur ce parking. Il rôde comme un loup affamé autour d’un mouton. Il attend que je fasse un seul faux pas pour me mettre en cage. Merde, le voilà qui frappe à ma fenêtre : « Monsieur, vous n’avez pas le droit d’être ici. Veuillez partir. » Misère, je ne peux pas être tranquille dans ma propre caisse ? C’est quoi ce plan foireux ? Alors, comme je suis un gentil garçon, je sors de ma caisse et le toise : « Je ne fais rien de mal, je me repose dans ma bagnole, c’est quoi le problème ? Vous croyez que je suis un drogué ou un alcoolique ? Si vous voulez, vous pouvez fouiller ! » Il me cale sa lumière dans les yeux, m’éblouissant. Ah le bâtard ! « Mais, je te connais-toi ! Tu es Alex, le guitariste de The Half Blood ! Qu’est-ce que tu fous ici gamin ? » Gamin, il est sérieux ? J’ai vingt-sept ans putain. « Je suis là parce que je suis fatigué et je me repose. » Ouais, voilà, je ne vais pas non plus lui raconter ma vie de A à Z. « T’as du fric en masse et tu pionces dans ta bagnole ? Look de l’autre côté de la rue, tu as le Carlton, pourquoi t’y vas pas ? » Et l’autre il me tutoie comme si on avait gardé les vaches ensemble. Il est sacrément gonflé lui. « Ouais j’ai de l’argent mais je n’aime pas l’exposer. » Okay, je pense qu’il peut comprendre ça. « Il fait froid, tu devrais vraiment te mettre au chaud. » Un point pour lui, effectivement. Je tords le nez et renifle tout en regardant le vieux flic et l’hôtel, par alternance. « Ta caisse, on la touchera pas, rassures-toi. Tu es sur un parking public et tu ne gênes pas. Vas-y. » Bon d’accord, il a réussi à me convaincre. Je ferme bien ma voiture, ne prenant que ma carte bleue et ma veste, puis traverse la route. J’entre dans le palace avec un peu de gêne et m’avance jusqu’à l’accueil. « Bonsoir, que puis-je faire pour vous ? Vous ne pouvez pas dormir dans le salon je suis désolée. » Dafuq’ ?! Elle est sérieuse en plus. « J’suis pas un clochard et j’ai de quoi payer une chambre. Alors je veux une chambre pour ce soir. Merci. » Je lui passe ma carte bleue et son visage s’illumine comme si elle venait de voir un ange. « Il nous reste la suite nuptiale, ça vous conviendra Monsieur Abberline ? » Elle a compris qui j’étais, c’est déjà ça. J’acquiesce avec un sourire charmeur et elle me rend ma carte avant de me tendre un papier et un stylo. « Monica, je m’appelle Monica. » Je lui donne sa dédicace avant de lui offrir un Selfie avec moi, puis file jusqu’à ma chambre. En priorité, une bonne douche ! J’entre dans ma suite et me dessape avant de filer à la salle de bains. Je n’y reste guère plus de quinze minutes avant de me glisser dans les beaux draps tièdes et doux. Finalement, le sommeil m’attendait ici et je l’accueille avec un grand sourire. […]

Le soleil passe par la fenêtre, j’avais oublié de fermer le volet. Je grimace un peu et m’étire avant d’appeler le Room Service pour un bon petit déjeuner. Direction chez Riley après avoir remplis mon ventre affamé. Depuis combien de temps je n’ai pas mangé ? Deux jours ? Trois ou plus ? Je ne sais plus vraiment. Je retrouve ma voiture en bon état et file au travers les rues pour arriver rapidement chez le cousin. Il est plus de dix-heures et nous sommes dimanche, j’espère qu’il ne travaille pas. Je me plante devant la porte et là, THE moment d’hésitation. Je frappe ou je repars ? *Aller Al’, il ne va pas te tuer* Je prends une grande inspiration et frappe quelques coups, attendant qu’il m’ouvre. Le bruit de la clé dans la serrure, lance mon cœur dans une course folle et lorsqu’il paraît à mes yeux, je déglutis difficilement : « Riley… ? »

En fait, il n’a pas vraiment changé. Il a grandi et est devenu un homme, comme moi, comme l’adolescent lambda. On grandit tous un jour et parfois, on grandit en bien et d’autres fois en mal. Et puis… putain c’est quoi ce félinarium ? Ce n’est pas que je n’aime pas les chats, loin de là mais, j’avoue être un peu allergique à leurs poils. M’enfin bon s’il aime les animaux. « Oh merde, Alex ? Bon sang, t'as... T'as putain de changé ! Heureusement que je connais les gênes de la famille, sinon j'aurai encore plus galéré que ça à te reconnaître ! J'avais vu des photos de toi, mais j'te jure que ça fait un choc en vrai ! Ça va mec ? Viens, entre, et fais gaffe aux couillons qui vont te filer entre les pattes. Tu veux un truc à manger, à boire ? Fais pas attention aux merdes qui traînent, pose toi où tu veux. » Je ris doucement avant d’entrer avant lui. Il est vrai que quinze années c’est beaucoup. « Hé ouais c’est bien moi… ça fait longtemps Riley. Tu m’as manqué cousin. Des photos de moi, il y en a partout en ce moment… Y’en a un paquet de couillons à poils dans ton salon dis-donc ! Sinon ouais, ça va et toi ? Et sinon, ouais, je veux bien boire un truc et manger aussi un petit morceau. » Je regarde l’appartement et me pince discrètement l’arête du nez : « Sérieux Riley, tu n’as toujours pas trouvé de chérie ? Avec ta gueule d’ange, je suis étonné ! Parce que franchement, si j’étais une petite minette, je me jetterais à tes pieds en te suppliant de m’épouser. Non, vraiment, je ne comprends pas pourquoi tu es seul… » Et comme je suis un maniaque, me voilà en train de ramasser tout son bordel en chantonnant. Bizarrement, faire du nettoyage m’inspire une chanson. Oui bon, quand je vous dis que je suis un mec improbable, je ne mens pas ! Comme si je connaissais les lieux par cœur, je termine de ramasser tout le bazar et le mets à la poubelle. Les chats me regardent, espérant probablement que je leur donne à bouffer : « Désolé Minous, j’suis pas un libre-service de centre commercial. Demandez à votre patron si vous avez faim. » Je lui ferais un peu de ménage plus tard au pire ! Histoire de lui rendre service. Je reporte mon attention sur lui et lui souris : « Quinze ans, ça fait quand même beaucoup ! Quelles sont les nouvelles depuis tout ce temps ? Désolé pour le manque de lettres, j’étais un peu overbooké avec la tournée et tout ça… Promis, je vais me rattraper ! On fait une pause quelques temps, histoire de relâcher la pression. Je vais m’installer dans le coin du coup, j’ai réussi à passer outre les recommandations de notre manager et je suis venu te voir. Je suis désolé de débarquer un dimanche mais je suis arrivé il y a moins d’une semaine. » Je finis par poser mon cul sur le canapé, manquant écraser un chat qui me fait clairement comprendre qu’il n’est pas content en me griffant sauvagement la main : « Woooh du calme ! Mec il a la rage ton chat ! » Bref, le chat, il s’excite encore mais plus loin, franchement, d’habitude c’est les vieilles dames qui vivent entourées de chats, pas les jeunes hommes à l’apogée de leur puissance comme Riley. M’enfin, là aussi, s’il préfère la compagnie des animaux aux humains, je peux le comprendre. Pendant un temps j’étais pareil sauf que moi c’était les chiens que je récupérais. En parlant de chien, le mien est toujours en quarantaine, il faudra que j’aille le voir demain, pour le papouiller et lui montrer que je ne l’abandonne pas. « Toi, c’est les chats que tu récupères et moi, pendant un temps, c’était les chiens. Tu vas tous les garder ou tu vas les faire adopter ? Tu sais, c’est pas avec une horde de chats que tu vas attirer les nanas ! ‘fin j’dis ça, j’dis rien... » Sauf les femmes à chats et là, par contre, il risque de tomber sur le genre de femme toute ridée avec les seins qui traînent sur le sol et la… moule avariée. Oh que je suis méchant ! Oui mais non, je suis juste réaliste en fin de comptes si on y réfléchit. Ouais, réaliste.