| « Décroche Lou, je sais que t’es là. Allez ma jolie, décroche. (silence) Lou ? (soupir) Mais décroche putain de salope ! » |
Une larme le long de sa joue, sa main s’écrasa sur le répondeur et l’arrêta. Ça faisait un moment que ça durait. Il appelait au milieu de la nuit, il était ivre et il lui faisait peur. Il s’était introduit chez elle à plusieurs reprises et elle avait fait refaire ses serrures la semaine précédente, ça le rendait malade.
Louise ramena ses jambes contre son torse et passa ses bras autour de celles-ci. Ça faisait presque deux ans qu’ils s’étaient séparés mais il n’arrivait pas à entendre raison. Il laissait des mots chez elle quand il venait, il déposait des photos d’eux ensemble sur le frigo, il vérifiait son agenda et vérifiait qu’elle n’avait personne, Louise le savait. Il lui faisait peur en vérité, elle ne réussissait pas à prouver qu’elle était victime de harcèlement, elle devenait presque paranoïaque, elle le sentait partout. Dans la rue, elle se retournait avec ce sentiment pesant d’être observée.
Elle se leva, il fallait qu’elle aille au travail, chirurgienne, elle avait réussi à le devenir malgré tout et oui, elle était fière. En ce moment, elle avait un patient un peu particulier, c’était le fils de ses voisins, un garçon adorable qu’elle aimait beaucoup. Ce devait être une opération un peu compliquée mais mine de rien assez commune. Un téléphone sonna, une sonnerie qu’elle ne connaissait pas, un téléphone qu’elle ne connaissait pas non plus. Il était venu pendant qu’elle dormait. Trop tard elle avait décroché avant de réfléchir.
« Les fleurs te plaisent ? » Là, ornant la table, un bouquet de roses rouges. Elle porta une main à sa bouche et se mit à courir vers celui-ci. Elle poussa le vase par terre où il alla se briser.
« Ne t’approche plus de moi ! » « C’est ce que tu dis toujours Lou, mais si c’était vraiment ce que tu voulais, ça ferait longtemps que je viendrais plus, ma chérie. » Elle raccrocha. Deux ans que ça durait.
Louise devenait folle, sa famille ne la reconnaissait plus. Personne ne la croyait. Il avait toujours été tellement parfait en leur présence que personne n’aurait pu imaginer de quoi il était capable. Elle n’avait aucune preuve tangible à présenter aux policiers...
***
| Lou est en route pour un repas de famille, c'est normal, c'est dimanche et les traditions chez les Parker ne s'envolent pas avec les années. |
Elle passe la porte d'entrée et retrouve sa mère avec un sourire qu'elle n'a pas connu depuis des mois. Pas depuis qu'elle lui a annoncé qu'elle avait rompu ses fiançailles avec Dren. En fait elle aimait le fiancé de sa fille comme un fils. Quand Louise s'approcha pour saluer ses parents, elle vit se dessiner sa silhouette dans l'encadrement de la porte. Elle sentit son sang tourner dans ses veines et se raidit alors qu'un frisson lui parcourait le dos.
« Qu'est-ce qu'il fait là ? » demanda-t-elle à voix basse à sa mère. Celle-ci sembla surprise et désorientée voire tout à fait désolée.
« Voyons Lou, tu m'avais invité, tu te souviens ? »Répondit-il en soulevant subtilement sa veste, permettant à son ancienne fiancée d'apercevoir son arme.
« Oh, c'est vrai. » dut-elle répondre en clignant des yeux, dans l'incompréhension. Il s'approcha et la prit dans ses bras.
« Ça me fait plaisir, vraiment. Je comprends que tu aies pris peur à l'approche de notre mariage. Et ça, ce repas, ça veut dire beaucoup pour moi, pour nous. » La jeune femme avala difficilement sa salive, dos à ses parents et hocha vigoureusement la tête. Elle était en plein cauchemar. Ce fut le repas le plus malsain de sa vie, elle resta silencieuse la plupart du temps, lui continuait d'affirmer que se retrouver ici parmi eux était des plus agréables. Sa mère affirma qu'elle était ravie qu'il redonne une chance à sa fille et il passa une main dans le dos de Lou, lui caressant la colonne vertébrale et sans le savoir hérissant ainsi chaque poil de celle-ci.
« C'est normal, on fait tous des erreurs, mais Lou m'a tellement donné, je ne pouvais pas baisser les bras au premier obstacle. » « C'est bon à entendre, tu n'as pas idée de l'état dans lequel elle se trouve depuis votre rupture ! » Lou ouvrit la bouche et puis la referma. Où était son frère ? Elle avait tellement besoin de son jumeau à cet instant. Personne ne l'avait cru quand elle avait essayé de faire comprendre à ses proches quel genre d'homme il était. Mais lui, il aurait su rien qu'en regardant dans ses yeux. Sauf qu'en tant que militaire, il avait été déployé de l'autre côté de la planète.
Le repas terminé, il remercia chaleureusement ses "beaux-parents" et affirma qu'il la raccompagnait chez elle. Elle refusa, il insista et elle comprit le message. Contrairement à ce qu'elle avait imaginé, il se comporta relativement bien. Il la ramena jusqu'à sa porte et déposa un baiser sur sa joue.
« Dimanche prochain, on invitera tes parents, chez moi. » Le sang de Louise ne fit qu'un tour.
Et ainsi s'instaura le dimanche qui laissait croire à tous que Dren et Louise s'étaient remis ensemble, il prenait de plus en plus de place. Il gagnait sur tout, grâce à cette menace sous-jacente portée aux parents de sa belle.
Il supprimait le numéro de certains hommes dans son répertoire téléphonique, il avait jeté les jupes de la jeune femme qu'il considérait trop courte.
Ses vêtements de traînée. Il disait à ses parents qu'ils envisageaient de reprendre leur engagement l'un envers l'autre mais qu'ils avaient besoin d'encore un peu de temps...
***
Il y a deux mois, Louise était dans son bain, elle était absente. Elle tenait dans les mains un petit objet de moins de 10 cm qui renvoyait la lumière du soir qui traversait la fenêtre. L'objet semblait la fasciner, presque aussi large que son avant-bras assez tranchant pour ouvrir ses veines. Le problème quand on n'est pas suicidaire et qu'on est dans une merde pareille, c'est qu'on n'a pas plus envie de vivre que de mourir.
Au lieu de commettre un acte irréparable, elle est retournée au commissariat, une fois de plus elle a tout raconté, comment elle l'avait connu à l'hôpital, qu'il l'avait séduite, qu'elle l'avait aimé jusqu'à ce qu'elle s'aperçoive que quelque chose ne tournait pas rond chez lui. Qu'elle brise leurs fiançailles. Qu'il devienne fou et commence à l'appeler à des heures incongrues, à la suivre, à bouger de petits objets chez eux. Elle dit tout. Tout. Tout. C'est peut-être elle qu'ils finiront par interner s'ils en parlent avec ses parents, c'est sûr que leur version ne sera pas a même avec les bouteilles de vin qu'il offre à son père, et les chocolats à sa mère. Les projets de vacances à la mer dont il leur parle toujours...
Ce soir-là, quand Louise rentre chez elle, il est presque minuit, elle a préféré faire un tour dans un bar pour se changer les idées, elle y a bu quelques verres, elle est un peu gaie. Elle s’aperçoit au dernier instant que la porte de son appartement est ouverte. La première idée qui lui traverse l'esprit est sûrement la moins logique. Elle pense que son frère jumeau a dû arriver un jour plus tôt que prévu et lui faire une surprise. C’est un sourire qui se dessine sur ses lèvres quand elle traverse le couloir. Lorsqu’elle pousse la porte, ce qui l’attend à l’intérieur n’a rien à voir avec une réunion familiale. Il a retourné l’appartement, la plupart des objets jonchent le sol, les cadres photo sont brisés… Elle est tellement sous le choc qu’elle n’a pas le temps de crier, elle ne réalise pas. Il pose sa main dans son cou et la mène de force dans la chambre. Elle ne comprend pas très bien ce qu’il dit dans sa fureur. Elle essaie d’attraper son téléphone portable mais il la frappe derrière la tête avec une lampe de chevet et elle perd connaissance. Vingt minutes plus tard quand elle rouvre difficilement les yeux, les choses ont changées.
« J’voulais me marier avec toi. C’est ce qu’on promet quand on dit oui à la demande d’un homme, Louise ! Pour le meilleur et pour le pire, tu te souviens ? Et toi espèce de salope c’est comme ça que tu me remercies. T’essaies de me faire enfermer ! » Il fallait absolument qu’elle trouve quelque chose pour le calmer, c’est à ce moment qu’elle réalisa qu’il l’avait changé, elle portait un pyjama, elle passa une main dans ses cheveux, le sang y avait séché, les emmêlant les uns avec les autres. Elle fit un mouvement envers lui mais il se recula en lui défendant de le toucher. Il dégageait une violence qui pouvait le terrasser à tout moment, intérieurement elle était terrifiée, mais il fallait surtout qu'elle trouve les mots, elle savait que la tournure de la situation dépendait à présent de ses paroles.
« Dren... » commença-t-elle, mais il la coupa. Sa voix était pleine de rage.
« Quand tu es partie la première fois, j’ai pensé que je pouvais te pardonner, mais ça ! Ca, Louise, je peux pas. Je sais plus quoi faire de toi. Comment on peut faire ça à quelqu’un ? T’es pitoyable. Tu manipules les gens pour qu’on succombe à ton visage de poupon et après tu frappes dans le dos. Vipère. » Après près d'une heure pendant lesquels il évacuait sa rage par les mots, elle finit par comprendre qu'elles étaient ses intentions finales. Il voulait qu'ils disparaissent le lendemain pour échanger leurs vœux devant le Seigneur. Peut-être aurait-elle préféré l'ignorer. Il lui proposa de venir dormir auprès de lui, lui expliquant qu'il fallait qu'ils soient en forme pour le lendemain et elle alla s'allonger sur le lit. Il ne l'avait entravée d'aucune manière. Elle attendit quelques heures et puis elle tenta de s'enfuir...
| Cela prit à peine quelques secondes pour qu'il se réveille et la rattrape dans les couloirs. Une fois de plus elle l'avait trahi. Il lui avait fait confiance en la laissant libre |
de ses mouvements et ça n'arriverait plus. Elle l'avait frappé au visage et il n'avait plus du tout envie d'être tendre avec elle, alors qu'il lui avait offert ses bras pour y dormir. Il ne comprenait pas pourquoi elle faisait pour que ça se passe mal. Il la gifla, mais il ne voulait pas qu'elle soit marquée, par pour leur mariage. Il était presque 5 heures du matin, il n'y avait rien qu'ils ne puissent faire avant au moins deux heures, il l'attacha donc au lit et c'est ainsi qu'ils finirent leur nuit. A son réveil, il lui ordonna de mettre une robe, elle était blanche, il lui avait offert deux ans plus tôt quand ils étaient partis à l'Ile Maurice, elle était pourtant persuadée de l'avoir jetée. Il voulait qu'elle se maquille et se mette sur son 31. Quelque chose dans son plan n'avait pas d'issue. Qui pourrait bien vouloir les marier ? Elle se raccrochait à cette idée mais au fond elle savait bien qu'il était capable de lui faire faire ce qu'il voulait sous les menaces, c'était bien ce qui s'était passé tous les dimanches...
| Que se passa-t-il ? Lorsqu'elle fut prête, il prit des photos, il avait l'air heureux, apaisé, enfin. Finalement elle se rendit compte de |
ses erreurs, c'était ce qu'il fallait. Tant qu'il était calme, tout se passait bien, n'est-ce pas ? Presque. Il lui expliqua qu'il allait à la bijouterie en dessous de chez elle, qu'il n'en avait pas pour longtemps mais qu'il ne lui faisait plus confiance. Il l'attacha et la bâillonna à une chaise qu'il rangea soigneusement dans le placard de la chambre. Là, Louise se rendit compte qu'elle était sur le point de s'évanouir, la pression redescendait mais restait insoutenable, que se passerait-il quand il reviendrait ? Ca ne pouvait pas réellement être en train d'arriver. Un mariage ? Croyait-il réellement que ce serait reconnu par l'Etat. Dren étant américain peut-être comptait-il sur la loi qui permettait aux époux de ne pas avoir à témoigner l'un contre l'autre. Il n'aurait qu'à la pousser à se rétracter. Pendant combien de temps devrait-elle alors simuler le bonheur avec lui ? Il faisait noir, elle ne pouvait pas bouger, le scotch brit qui entourait ses mains lui coupait la circulation et la démangeait en même temps. Il lui avait dit de ne pas pleurer, il ne voulait pas qu'elle ruine son mascara. Quand est-ce que cet homme avait perdu la tête ? L'avait-elle toujours connu ainsi ?
| Il y avait eu de bons moments au début. Il était tellement attentionné, attentif à elle. C'était la première fois qu'elle s'était |
sentie écoutée depuis le départ de son frère. Indispensable. Avec lui, elle était une princesse. Au début, elle l'avait soignée, elle s'était sentie d'abord utile, puis admirée, puis désirée. Puis quelque chose avait changé. Il avait sans doute développé une pathologie mental et elle n'avait même pas su le voir...
Des bruits de pas dans l'appartement sorte Louise de sa nostalgie, il est de retour, elle ferme les yeux très fort comme si cela pouvait le chasser. Elle entend appeler son nom, c'est son frère. Elle grogne aussi fort qu'elle le peut et il finit par trouver le placard. Il sort tant bien que mal la chaise du placard et en le voyant elle ne peut plus retenir ses larmes. Il est en permission, il ne devait arriver que ce soir, ça aurait été trop tard. Il enlève son bâillon mais elle est toujours sous le choc, il appelle la police et elle réussit à articuler l'adresse de l'appartement.
Ce fut le moment que choisit notre ami Dren pour rentrer et découvrir une compagnie imprévue. Tout était compromis, il allait en parler aux parents, ils finiraient par y croire si le fils prodige l'affirmait, le héros de guerre ! Dren l'avait toujours haït de toute façon, parce que Louise avait eu beau faire des études longues, avoir un job qui gagne bien et qui soit respectable, être sur le point de se marier et de fonder une famille avec lui. Ses beaux-parents avaient toujours un faible pour leur petit garçon et il ne le supportait pas. Il ne supportait pas non plus le fait que Louise elle-même le place au-dessus du reste du monde. Il s'approcha silencieusement alors que le frère et la soeur s'occupaient de retirer le scotch et autres entraves, mais elle était bien menottée également aux barreaux de la chaise. Il dévoila son couteau et s'apprêtait à poignarder son beau-frère mais Louise hurla et celui-ci put dévier son coup. Dren lui planta la cuisse, lui arrachant un cri de douleur. Mais le soldat finit par le terrasser et quelques minutes plus tard arrivaient les autorités. Le cauchemar prenait fin...
Louise est suivie par plusieurs psychologues avec lesquelles elle a du mal à parler, n'oublions pas qu'elle s'est retrouvée face à beaucoup de personnes n'ayant pas donné sens à ses paroles pendant près de deux ans, les policiers, les autorités en général, jusqu'à sa propre famille... Elle a déménagé à Montreal et n'arrive plus à pratiquer son métier depuis l'incident. Son corps tremble en général, elle n'est plus capable d'être touchée ou de toucher un homme. Elle se sent sale, elle a connu un homme qui l'a rabaissée pendant des mois, elle se sent impure, n'a pas l'impression de mériter attention ou amour. Il a réussit à tout lui prendre, entre sa famille, son métier, son lieu de vie... Mais elle, elle a décidé de se reconstruire, ce qui prendra du temps. Montreal est sensé panser les plaies.
| Mais c'est difficile quand chaque fois qu'on ouvre un carton on retrouve ce genre de photo de couple, où tout semblait si beau à deux... |
Quelque part elle a l'impression que c'est sa faute, elle porte ce poids sur ses épaules et c'est même ce qui lui donne envie d'aller le voir en prison mais elle ne sait pas si c'est une bonne idée, pour sa propre santé mentale...