Forget me Not

Débarquer dans une ville dont on ne sait pas grand-chose n’a absolument rien d’évident. Au contraire, d’ailleurs, puisque cela peut facilement pousser les gens à craquer, et à péter un câble. Ce n’était pas bon pour moi, on en tout cas, ça n’avait strictement rien de simple. Je débarquais dans une ville pour retrouver l’amour de ma vie. On ne pouvait pas vraiment dire que le contexte était évident. Surtout que mes chances avec cette fille étaient probablement de zéro. Lorsque le temps passe, les chances manquent, et j’avais manqué le coche, je n’en doutais pas une seule seconde. Il y avait l’espoir bien sûr, là, dans un coin de ma tête, mais ça ne voulait pas non plus dire que c’était évident. Ninel avait forcément refait sa vie. Comment pouvais-je me mettre à croire une seule seconde. Bien sûr, j’avais foncé dans une direction qui me ressemblait, je m’étais précipitée dans un bar et j’avais cherché un boulot. Barmaid étant une des rares choses que je sache faire, mes possibilités n’étaient pas très élevées, mais ça m’allait très bien. J’aimais mon boulot et avec chance, ils cherchaient quelqu’un. Cette ville n’allait pas forcément me plaire, puisque les choses n’étaient jamais simples. Et avec elle, ça ne l’étais pas du tout. Bordel, comment étais-je supposée la retrouver dans une ville si grande ? Comment étais-je supposer travailler dans une telle situation ? Ca n’avait absolument rien de simple et il était réellement grand temps pour moi de faire en sorte que les choses s’arrangent. Mais ça ne risquait pas de s’arranger. Au contraire. Il allait vraiment falloir que je la retrouve. J’étais en ville depuis une semaine, je travaillais ici depuis deux jours. Aujourd’hui, c’était relativement calme, d’ailleurs, et mon boss me permit de prendre une pauvre. Derrière le bar, il faisait réellement bon et j’avais juste voulu prendre un peu d’air. Certes, j’étais depuis un moment habituée à l’ambiance d’un bar mais cela faisait quand même du bien et ça, on ne pouvait pas me l’enlever. Est-ce que cela voulait vraiment dire que c’était évident ? Non, bien sûr que ça ne l’était pas, ça ne l’était jamais, pas comme ça. L’arrière du bar donnait sur une autre ruelle, certes peu fréquentée mais certains clients venaient par-là, malgré tout. Je me sentais bien, en tout cas, et il était grand temps pour moi de faire avancer les choses. Bien que je ne sache pas comment.

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Les samedi soirs, Ninel apprécie de temps en temps de retourner au Panda Bar, lieu qu'elle avait l'habitude de fréquenter depuis plusieurs années déjà. Avec son travail et ses projets personnels, le Panda Bar figurait de moins en moins dans ses priorités, mais il était toujours bon de parfois s'y rendre et d'y retrouver les habitués. Vêtue d'un débardeur rouge, d'un slim noir déchiré et d'une paire de Vans abîmées, la Canadienne prit la marche pour se rendre au bar. Marcher lui avait toujours fait un bien fou, elle ne supportait pas trop les transports en commun et enchaînait les locations de voitures plutôt que de se lancer dans un crédit pour en acheter une, alors la marche demeurait réellement son moyen de déplacement favoris. Il était temps d'en profiter, avant que ses os ne rouillent et que trois pas se mettent à constituer un effort titanesque.
Depuis qu'elle avait coupé ses cheveux, l'air frappait différemment sur se peau et ses tics étaient contraints de disparaître n'ayant plus de crinière à replacer. Depuis qu'elle avait coupé ses cheveux, Ninel avait adopté une certaine assurance. Elle n'était pourtant pas sûre de les garder ainsi indéfiniment, elle adorait ses cheveux et encore plus ce qu'elle pouvait en faire, mais les gens réagissaient différemment lorsqu'elle parlait maintenant. Peut-être qu'elle prouvait une fois de plus qu'elle pouvait être un sacré bonhomme mais que sa coupe, parfois stigmatisée par certains comme "coupe de lesbienne" ne lui enlevait pas son potentiel de charme et de féminité. Et, même si elle constatait tout ça et y pensait parfois, dans le fond, elle s'en foutait Nine.

Naturellement, ses pas l'avait menée sur le chemin du Panda Bar alors qu'elle s'était plus perdue dans ses observations du "monde" que dans les directions à prendre. Ainsi alors, en quelques minutes, elle se dirigea vers l'entrée la moins fréquentée du bar. Ralentissant le pas, sortant de quoi rouler, l'assistante fini par réellement voir qui se tenait "devant" elle.
Sa bouille ronde, ses yeux légèrement en amande, sa chevelure blonde, son teint hâlé.. c'était encore tout frais dans sa tête, elle n'avait pas beaucoup changé, ou du moins elle demeurait toujours aussi belle..
Mais elle n'avait rien à faire ici, Fauve. Et elle était la dernière personne qu'elle souhaitait revoir, du moins en surface.
Un peu gauche, Ninel s'était arrêtée devant elle, trop prise de court pour avoir envisager une quelconque fuite, seul un léger rire nerveux s'échappa de sa bouche avant qu'elle ne prononce, comme devant un fantôme : " Fauve..".

Forget me Not

Elle n'avait pas changé, de ça, j'en étais pleinement conscience. Elle s'était peut être coupée les cheveux mais cela ne retirait absolument rien à son charme, elle n'en était que plus belle. Plus adulte aussi. Je me sentais gauche, je ne savais même pas vraiment quoi lui dire et j'avais horriblement peur de faire une grosse gaffe. Je ne voulais pas qu'elle me prenne pour une imbécile, je voulais vraiment qu'elle comprenne que les choses allaient pouvoir s'arranger, même si je ne savais pas comment ça allait pouvoir se produire. Je voulais qu'elle sente que les choses s'arrangeraient, je voulais qu'elle s'en rende compte mais j'étais bien trop maladroite pour lui dire les choses. Je n'avais rien dit, quand j'étais partie, je ne lui avais même pas expliqué pourquoi. Je m'étais comportée comme une imbécile, j'avais fuis alors que je cherchais l'amour. J'étais heureuse avec elle, je n'aurais jamais pu dire le contraire, et pourtant, il m'avait fallu plus. Il m'avait fallu les mots dont elle n'avait pas été capable. Les gestes, qu'elle n'avait pas fait. Et j'avais été seule, bien trop longtemps. Je ne pouvais pas nier que je regrettais de l'avoir perdu, chaque jour, à chaque seconde. Mais ça n'avait strictement rien d'évident, les choses étant... Comme elles étaient. Je me sentais ridicule, j'étais tellement incapable de trouver les mots pour que les choses puissent paraître un peu plus normal, pour que cela m'échappe moins, pour que cela semble un peu plus simple. Mais ça ne l'était pas, ça ne l'était jamais et c'était à moi de dealer avec ça. Ca allait prendre du temps, mais je savais que cela finirait par venir.

 « Hum. Bonjour Nine... »

Je passais doucement une main dans mes cheveux alors que je cherchais à reprendre contenance, à reprendre un peu de confiance mais lui faire face semblait m'en priver. J'étais incapable de parler, de dire les mots qu'il aurait fallu que je dise. Les années s'étaient bien trop vites écoulées et je savais très bien qu'à cause de ça, ça allait être bien trop compliqué. Mais ça viendrait. Puisque j'habitais ici, je savais que ça allait finir par venir.

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Le malaise était plus qu'ambiant, il puait sans doute des mètres autour d'elles-deux, si un inconnu arrivait il aurait sans doute l'envie de tout sauf de s'immiscer entre Fauve et Ninel. Faut dire, tandis que l'une semblait nerveuse, portait la coupe garçonne comme une petite boule de nerf capable d'exploser à tout moment et fixait son interlocutrice avec un air plus qu'inconfortable, l'autre peinait à parler si l'on pouvait appeler ça ainsi et présentait tout les siennes de la gêne à commencer par son geste envers ses cheveux. La réaction de la jolie blonde agace Nine. "Bonjour" ? "Hum bonjour Nine" ? Elle n'avait pas mieux à dire après les années qui s'étaient écoulées depuis leur rupture ? Ou du moins depuis qu'elle avait gardé la petite brune surtout.
Serrant la mâchoire le temps de s'énerver un peu mentalement, la jeune femme arque un sourcil avant de lâcher "Bonsoir Fauve.". C'était mesquin, c'était la pique à la Nine, mais jouer la méchante ne lui allait pas, pas ce soir du moins, car quelque part revoir sa blonde comme ça ça faisait remonter pleins de "feels" en elle comme elle aurait dit. Des "feels" troublants, perturbants, un mélange de colère, d'amertume et de chaleur. Lâchant un léger rire, Ninel Isadora passe une main dans les quelques cheveux qui lui restent avant de prendre un ton qui se veut plus conciliant mais demeure pas très à l'aise encore.

" Qu'est-ce que tu fais à Montréal ? T'es là depuis longtemps ? "  

Forget me Not

Peut-être que j’étais maladroite dans ma façon de parler. Je débarquais dans une ville qui n’avait jamais été la mienne et je me retrouvais dans un bar qu’elle avait sans doute l’habitude de côtoyer. Qu’étais-je supposée dire ? Il y avait réellement un mode d’emploi ? Parce que je voyais mal ce que j’aurais pu faire pour que la situation s’arrange. Au contraire, en plus de ça, mais cela ne me déplaisait pas vraiment. Je n’étais pas douée avec les mots et ma salutation semblait être ridicule et pathétique. Mais je n’avais pas pu m’en empêcher. Pouvait-on réellement me reprocher mon comportement ? Parce que je n’étais pas douée avec les choses et ça pouvait aisément me prendre la tête, quoi que je puisse y faire. Ce n’était pas simple, et ça ne l’avait jamais été, de toute manière. C’était à moi de reprendre les choses en mains, à moi et à moi seule, que cela me plaise ou non. Les choses étaient comme elles étaient, de toute manière. Et il n’y avait rien à faire. Ce n’était pas l’heure pour moi de lui poser une question stupide, surtout que cela n’aurait pas servi à grand-chose, je ne voulais pas lui parler, je refusais de faire la conversation alors que ça n’aurait pas servi à grand-chose. Au vu de sa façon de se sentir ou de me parler, je voyais bien qu’elle n’avait pas forcément envie de me voir ici, ma présence semblait la déranger. Après tout ce temps, de toute façon, je ne pouvais que le comprendre. C’était à moi de tenter de me reprendre deux minutes, mais ça n’avait strictement rien de simple, je ne le voyais que trop bien. Ça m’énervait. « Depuis quelques jours, et… bah j’ai tout simplement trouvé un boulot dans ce bar, alors je vais rester encore un peu, j’imagine ». Je me sentais ridicule, en fin de compte. Et je ne savais même pas quoi dire pour que la situation tente de s’arranger, au moins un peu.

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Savoir que Fauve n'était là que depuis quelques jours faisaient émerger deux réactions : la première était perturbée, presque agacée ou du moins sceptique. Durant tout ce temps, à peine Fauve posait le pied à Montréal que Ninel la croisait, bizarre quand même non ? La ville est pourtant relativement grande, ce ne sont pas les bars qui manquent, pourquoi celui-ci ? Pourquoi si vite ?
La seconde était presque émue, c'était quand même un hasard fou, et puis elle était là depuis si peu de temps que Nine ne pouvait pas se dire qu'elle avait vécut sa vie à Montréal sans penser à elle, c'était du hasard pur. Mais ce dernier existe-t-il au moins ?
Finalement la jeune femme vient s'asseoir auprès de la blonde. C'est bizarre d'être à nouveau près d'elle et de surtout avoir la sensation de lui avoir un peu pardonné alors que pendant des mois et des mois et des mois l'on a pensé ne jamais pouvoir revoir cette personne ne serait-ce qu'en peinture.
Nine rit légèrement et sort son paquet de cigarettes.

- J'ai droit à une boisson offerte alors, non ? Tu t'es installée où ? T'as vite trouvé ton job c'est ouf.

Elle allume sa clope et tire dessus sans plus attendre. Presque comme auparavant. 

Forget me Not

J’avais imaginé bien des scénarios pour nos retrouvailles et pourtant, c’était la situation la plus improbable qui me tombait dessus. Certes, je m’étais souvent dit que j’allais la croiser de manière hasardeuse, la croiser au cœur du bar où je travaillais alors que je bossais ou un truc comme ça. Mais la croiser pendant ma pause, là, au calme et dehors, non, pas vraiment. Et maintenant qu’elle était devant moi, je ne savais même pas quoi lui dire, c’était pour dire à quel point je ne savais plus où donner de la tête. C’était le gros bordel et il était temps pour moi de surtout réfléchir à tout ça. Parce que sinon, ma situation allait finir par partir dans tous les sens et ce n’était absolument pas la bonne solution. Il me fallait trouver les mots, il me fallait arrêter de me prendre la tête, que cela soit simple ou que cela ne le soit pas. Mais il n’y avait pas grand-chose à faire parce que la situation n’avait strictement rien d’évidente. Elle était là, juste devant moi. Aussi belle qu’elle l’avait toujours été. Si ce n’était pas plus, mais il n’y avait pas grand-chose à en dire. La situation n’était pas évidente mais il y avait déjà bien des choses à en dire, des choses qui se trouvaient suffisantes, aussi. Mais je n’avais rien à dire ou en tout cas, je ne trouvais pas les mots. « Je devrais pouvoir m’arranger pour que tu aies un verre bien sûr. En fait, je suis là depuis quelques semaines mais disons que lorsqu’on est doué quelque part, on a facilement plus d’aisance à trouver un boulot ». Bien sûr que j’avais eu de la chance, et c n’était certainement pas moi qui me serais mise à dire le contraire, ce n’était pas possible du tout, en plus du reste. Mais les choses étaient très bien comme elles étaient. Bordel, pourquoi fallait-il que je lui tombe dessus là, comme ça hein ? C’était tellement bizarre et tellement inattendu que je ne savais pas quoi dire de plus. C’était ainsi, il n’y avait rien de plus à en dire, c’était ainsi.

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Elle ne la regarde plus, car cette fois-ci pour la première fois depuis un moment, Nine et Fauve regardent dans la même direction. De façon tout à fait pragmatique bien sûr, car pour ce qui est du futur, des envies, des pensées, elles ne savent plus ce que désire l'autre, non pas qu'elles ne se connaissent plus mais elles ont eut le temps d'évoluer depuis la dernière fois. Et c'est sans doute cette évolution qui donne cette "saveur" à leur rencontre. Rencontre sauce aigre-douce. Dégustant sa clope en écoutant Fauve, la jeune apprentie-cinéaste était pour le moins satisfaite de savoir qu'elle aurait bel et bien une boisson gratuite. Mais quelque chose coinçait encore, et les banalités que lui sortaient sa blonde n'arrangeaient rien, alors la frêle Nine tourna enfin la tête vers elle et l'observa. De plus prés cette fois, et d'un point de vu égal, cette fois-ci elle ne la surplombait plus car elle était debout, cette fois-ci elle était à ses côtés.

-Bon sang Fauve, détends-toi. T'es serveuse au Panda-Bar tu devrais être plus cool.

Elle lâcha un léger rire.

-Je ne vais pas te bouffer. Laissons au passé ce qui lui appartient.

Si elle pensait sincèrement ce qu'elle disait, mademoiselle Guggenheim savait aussi que ça serait pas si simple pour autant. Parler avec Fauve ? Pourquoi pas, rigoler et boire un coup ensemble même. Peut-être aussi que plus tard elles se fréquenteraient à nouveau, comme des copines. Mais reprendre leur relation c'était autre chose, d'une part car celle qui avait largué l'autre c'était Fauve, d'autre part car le passé on ne l'oublie pas, et si Nine n'était pas assez vache pour pourrir la blonde ce soir là et s'engrainer dans des comportements désagréables par rancune, elle n'était pas non plus assez naïve pour croire que quelque chose puisse être encore possible.

- On entre ?  

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Je ne l’avais pas vu depuis une éternité, persuadée que nos routes ne pourraient plus jamais être les mêmes. Je m’étais longuement convaincue qu’elle avait certainement tiré un trait sur moi. Que j’étais celle qui était partie et que je n’avais pas le droit de revenir comme si c’était tout à fait normal. Je connaissais les risques de mon départ, les dangers de notre séparation et pourtant, je n’avais pas pu m’en empêcher, je n’avais pas pu me résoudre à faire autrement. J’étais partie. Naïvement, comme l’idiote de l’année. Et voilà que je revenais pour tenter de recoller les morceaux. Il était sans doute préférable pour moi de me fondre dans la masse en espérant ne pas la croiser. Fondre dans le tas, prétendre la chercher et ne jamais y parvenir. C’était ce que j’aurais dû apprécier, c’était ce qu’il aurait fallu que je choisisse et je n’en avais pas eu la force. Je n’avais pas eu l’énergie de prétendre à quelque chose d’autre. Je voulais la voir, je voulais tenter de recoller les morceaux, bien qu’elle ne veuille sans doute plus jamais entendre parler de moi, mais je m’en foutais. Putain, je m’en foutais tellement et la seule chose que je voulais, c’était poser une nouvelle fois les yeux sur elle. Elle pouvait me dire de partir, me demander de quitter sa vie pour ne plus jamais m’y retrouver encore. Et ce serait fini. Mais j’imaginais mal perdre cette détermination si elle ne prenait pas l’initiative de me demander de partir.

Et voilà qu’elle était là, juste devant moi, alors que je tentais vainement de recoller les morceaux dans mon âme, alors que je rêvais de poser mes yeux sur elle. Elle était belle, bien plus qu’elle ne l’avait été par le passé et mon cœur manqua un battement quand elle me regarda. Je ne savais plus quoi dire, comment parler, j’avais perdu le stupide mode d’emploi. Et j’avais beau le chercher, je ne parvenais toujours pas à trouver les mots qu’il fallait prononcer pour arranger une situation. Y en avait-il vraiment, je ne pouvais le croire. J’étais dans ma bulle, comme à chaque fois que mes yeux se posaient sur elle.

Elle me demanda de me détendre et je soupirai alors. Je n’y arriverais sans doute jamais, tant que tout ne se serait pas arrangé entre nous. Comment être calme alors que la seule penser qui me tiraillait l’esprit, c’était que j’avais envie de la prendre dans mes bras, de l’embrasser et de lui dire qu’elle m’avait manqué ? Pour l’heure, tout ceci m’était pourtant interdit. Il fallait donc que je me reprenne. C’était vital.

« Ouais, je sais, faut que je me détende. Mais bon, c’est le boulot, tu comprends… »

Non, bien sûr qu’elle ne pouvait pas comprendre vu que j’étais encore en train de dire de la merde. Son rire était beau, et m’arracha un fin sourire. Pourtant, lorsqu’elle parla du passé en disant que ce n’était que le passé, il s’envola presque aussitôt, alors que je passai une mèche de cheveux derrière mon oreille. Je ne voulais pas la blesser, bien qu’il ne soit pas facile de prétendre que cela ne me faisait rien. Si j’y allais trop fort, il était évident qu’elle prendrait la fuite. Et c’était bien la toute dernière chose que je pouvais affronter.

« Bien sûr. Tu veux boire quoi ? Je t’invite.. »

Ma pause n’étais pas totalement terminé mais cela n’avait pas d’importance. Elle était là…

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- Hmm.. ouais, ouais je comprends. Avait-elle lâchée après un bref instant de réflexion intense, avec une voix légèrement teintée d'amusement. Ninel n'était pas convaincue par la réponse de Fauve, elle trouvait elle-même la situation un peu weird et se doutait que ça devait être le cas de la blonde. Et puis, quelque part Nine considérait Montréal comme "son" territoire quelque part. Fauve débutait au Panda Bar qu'elle ne connaissait peut-être pas tant tandis que la jeune assistante connaissait Montréal comme sa poche. Ouais, le rapport de "force" lui semblait s'être inversé et elle ne pût s'empêcher d'en retenir une légère satisfaction.
Enfin rentrée dans le bar (le but premier de son apparition au Panda Bar) Nine s'installa au bar, pour rester un peu avec Fauve et passant la main dans ses cheveux négligemment elle répondit naturellement :
- Un demi. Je vais prendre un demi. J'aurais bien dit deux mais je veux pas abuser..
Un sourire en coin, un haussement d'épaule, la blague était à double sens : trop boire n'était pas bon pour son épilepsie, puis elle était fatiguée un peu. Mais surtout, elle voulait pas abuser de la générosité de Fauve qui se ferait peut-être taper sur les doigts.
-Je vais peut-être pas rester longtemps. Je siffle mon verre et je te laisse te.. concentrer sur ton taff.

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Elle vient à peine d’arriver et pourtant, déjà, voilà qu’elle parle de partir, voilà qu’elle insinue qu’elle ne peut pas rester. Une chose qui me surprend et qui ne me plaît qu’à moitié, en réalité. Je ne peux pas certifier que cela me fait plaisir. Au contraire, justement, parce que c’est étrange et perturbant, de voir ce genre de chose. Je ne suis pas à l’aise, avec ce genre de situation mais je n’ai pas non plus de réel raison de m’en plaindre. Cela ne servirait pas à grand-chose. Je ne peux pas la forcer à rester avec moi, je ne peux pas l’inciter à rester en ma compagnie. Et de toute manière, je refuse pleinement d’en faire toute une histoire. Cela ne servirait pas à grand-chose. Je ne le sais que trop bien. Et je préfère ne pas y penser. Je préfère ne pas avoir à penser au fait que cela puisse être à ce point le bordel. Je vois tout ça de manière un peu trop violente. J’ai envie de la retenir, de lui dire ce que j’éprouve, j’ai envie de lui faire comprendre que tout ceci ne mène à rien, parce que c’est l’illusion que j’ai, par rapport à tout ce bordel. Et cela ne me plaît pas vraiment. J’ai envie de la prendre dans mes bras, j’ai envie de lui dire qu’elle m’a manqué et pourtant, je sais que tout ceci m’est impossible, je sais très bien qu’il m’est impossible de la toucher, sans la pousser à prendre la fuite, je sais que ce serait la seule conséquence à tout ça. Et je ne pourrais même pas le supporter. Je ne veux pas qu’elle sache ou en tout cas, pas comme ça, que je suis venue ici pour elle, je ne veux pas qu’elle sache tout de suite, parce qu’elle risquerait de prendre le large. Et si elle fait ça, je perds tout. Je me dois de prendre des pincettes. Avec elle, je n’ai jamais su comment bien faire les choses, de toute manière… « Comme tu veux, mais tu peux rester hein. Cela ne m’empêchera pas de faire mon boulot, de toute façon ». Quoique, probablement que cela m’en empêchera, en réalité. Comment bosser alors que mon cœur s’accélère dès que mes yeux se posent sur elle ? C’est comme si rien n’a changé, et pourtant, tout test différent…