Une dernière trace, la toute dernière trace. L'iris se dilate, le poison injecté investi les cellules. Le cerveau s'active, hyper-connexion. Le myocarde s'emballe, un rire tonitruant s'échappe de la gorge déployée de la jeune femme se penchée sur sa poudre. La dernière trace, la toute dernière trace. A cet instant elle ne songe pas que sa réserve est épuisée. Elle ne songe pas au lendemain difficile, au corps qui tremble, à la poitrine douloureuse, creuse, qui ne manquera pas de lui rappeler la folie de sa condition. Mais à cet instant, rien ne compte si ce n'est l'énergie phénoménale circulant dans ses veines et la poussant à danser jusqu'à s'en exploser les rotules. La lionne s'agite au milieu de la foule, suit la ligne de basse, ferme les yeux, s'oublie.

[...]

- T'as pas un plan cul ?
- T'es en manque darling ? La nuit ne t'as pas suffit ?
- Chui pas d'humeur à jouer, dis moi que t'as quelqu'un.
- Tiens, t'as d'la chance il vient à domicile. Vas-y doucement chérie, trop de cul nuit à la santé.

Un grognement s'échappe de ses lèvres. Fred se redresse, fixe son portable, hésite. D'ordinaire elle contact ses propres dealers. Mais, aujourd'hui, elle n'en a pas la force. Clouée à son lit, elle jette un regard navré à l'état pitoyable de son corps. Les muscles noueux prient pour qu'elle ne sorte pas aujourd'hui, son cœur, lui-même, semble fatigué de tant de battements. Fred soupire, songe à la dernière fois où elle a tenue toute une semaine sans sa poudre, un cauchemar.
- Course urgente, j'te dois 200 balles, ramène des spéciales C je crève la dalle. C'est au 654 Welligton.
Pas plus de précision, pas de bonjour, pas de au revoir. Fred est incapable d'user de la moindre formule de politesse tant elle se sent lasse. Elle espère juste que le nouveau n'a rien d'autre à foutre, qu'il sera à l'heure, qu'elle pourra chasser la fatigue, repousser les limites -encore-.

Elle trouve enfin le courage de se lever et de foutre ses fringues au sale. Un passage sous la douche, chasser la crasse, retrouver une figure humaine, presque si l'on oublie ses cernes noires donnant à son faciès un aspect de vieille lionne mourante. La barmaid soupire une fois de plus, enfile un jooging et une petite veste. Capuche sur la tête, clope au bec, elle claque la porte de son appart' et dévale jusqu'à atterrir devant l'immeuble. Hors de question que l'autre vienne chez elle. Il n'y a personne aux alentours, paraît que le dimanche c'est le jour du Seigneur, les bonnes familles sont de sorties et les fêtards de la veille se tasse. Elle jette un regard à sa montre, allume sa clope, avise une silhouette au loin, c'est sans doute lui. Elle se retient de trépigner, impatiente, la livraison à domicile ce n'est définitivement pas son truc.

sundays fun days

Elle glisse une main dans la poche arrière de son jogging en tire un vieux paquet de clope, l'allume non sans râler de voir sa main trembler. Si la drogue qu'elle consommait ne marquait pas son corps au même titre que d'autres drogues bien plus nocives, elle attaquait néanmoins sévèrement son système nerveux. En état de manque, Fred tremblait, les mains surtout rendant tout acte nécessitant un minimum d'adresse quelque peu... Ardue. Des crispations musculaires que l'on pouvait également noter chez les grands consommateur de caféine ou d'autres produits voués à vous exciter les ménages plus que de raison. Mais outre les muscles qui se tendent c'est le changement de comportement qui demeurait le plus visible chez ceux qui connaissaient la belle. De souriante et optimiste, Fred devenait morose et affichait une mine courroucée dont les dents serrés ne laissait planer aucun doute sur l'état de son moral. La barmaid devenait alors mordante, plus agressive qu'à l'ordinaire et absolument incapable de la moindre patience. Il lui était arriver de devoir assurer le service durant une semaine sans sa drogue. Une semaine durant laquelle elle aboya sur les clients, fit tomber quatre plateaux remplie de verres et, acte difficile justifiable, frappé un client qu'elle avait jugé un poil trop séducteur. Autant dire qu'elle n'avait jamais renouvelé l'expérience et fit une croix sur une bonne vingtaine de clients.

Mais aujourd'hui, elle était en repos et laissait libre cours à son humeur de merde en crachant dans sa barbe que ce putain de dealos avait intérêt de se pointer lorsqu'on tapota son épaule. Elle se retourna brutalement et son regard -lançant des éclairs- se rivèrent aux prunelles de l'inconnu dont les missives balancées au visage lui arracha un sourire emplit de suffisance : Me dîtes pas que je suis tombée sur le seul dealos moraliste du coin ? Elle se retint un grognement animal et attira brutalement l'inconnu dans un coin plus tranquille encore plus convaincu à ne faire monter cet abruti chez lui. Quand aux cernes, ne confonds pas marque de fatigue et signe de manque. J'espère que ta cam et meilleur que ta méconnaissance sur le sujet. Répliqua-t-elle, la réplique acerbe tout en tendant la main vers lui : Montre. Demanda-t-elle tout en écrasant d'un geste -trop brusque- sa cigarette au sol.
Les cernes n'étaient, certes pas, les signes probants de son manque mais nul doute que son comportement ne laissait planer aucun doute sur son statue de junkie.

sundays fun days

T'es plus parano qu'un drogué. Cracha-t-elle à sa réaction non sans jeter un bref regard circulaire. Elle était absolument insupportable, à des millénaires de son comportement habituel et, quand bien même la petite voix de sa raison lui clamait de se reprendre, la barmaid se sentait absolument incapable de se contenir face au regard du dealer. Trop de jugement dans son regard, trop de suffisance dans ses mots, trop de vérité qu'elle n'acceptait pas d'admettre. Droguée... C'était plus compliqué que ça, c'était toujours plus compliqué que ça. Qui était-il pour juger les gens qu'il fournissait ? Avait-il déjà songé qu'il gagnait sa thune grâce à ces gens qu'il avait tant l'air de désavouer ? T'es blindé de stéréotypes, ça te tuera avant ma cam. Elle répondit, du tac au tac, l'esprit à vif, la gorge sèche et le regard lançant des éclairs. Elle avait envie de le frapper, elle avait envie de lui cracher les pires noms d'oiseaux qui lui traversait l'esprit et regrettait déjà, amèrement de l'avoir appelé lui. Il fallait que cette folie ce termine et elle ne pourrait se terminer que lorsqu'elle tiendrait entre ses doigts la poudre qu'elle aimait tant. Cependant, en plus d'être un casse couille de première l'inconnu réclamait maintenant que la barmaid lui montre un minima de respect. Elle haussa un sourcil, soutint son regard sans crainte et croisa ses bras sur sa poitrine devenant absolument hermétique. Il jouait à quoi ? Il se prenait pour un dur ? Fred grinça des dents, l'esprit fonctionnant à toute vitesse sans pour autant trouver de solution sa fierté l'empêchant -clairement- de capituler face à l'agresseur pourtant, tout autant agressé qu'elle. Tu ne mérites pas plus le respect que moi à cet instant précis. Répliqua-t-elle, dur. D'ordinaire Fred se montrait plutôt courtoise avec ses dealers. Elle avait l'habitude des transactions rapides, des billets glissés dans une main contre la poudre tant convoité cependant, jamais un seul des dealers jusqu'à présent rencontré ne c'était permis de lui faire le moindre commentaire sur sa condition. Et pour cause, les revendeurs qu'elle côtoyait exerçaient ce métier (si l'on pouvait encore nommer cela métier) parce qu'ils n'avaient pas le choix. Entre miséreux on ne se jugeait pas, le comportement de cet homme était, tout simplement, déplacé.
Tu t'crois mieux lotit que moi ? Ça te fais quoi hein ? Tu te sens puissant avec tes remarques à la con ? T'es pas mieux que ceux que tu fournis. T'es même pire, fallait faire dans l'social si t'espérais sauver l'humanité de sa décrépitude.
Brusque changement dans son comportement. Les épaules de la barmaid s'abaissent, la fureur déserte son regard qui se pare d'un voile de fatigue. En faite, elle n'a pas envie de lutter pour sa cam, elle n'a pas envie d'en ajouter à sa honte d'être elle-même. Garde ta merde, tu seras ravie de t'être déplacé pour rien. Oui. L'envoyer chier, qu'il soit venu pour rien, qu'il perde ses 200 boules à cause de son comportement de microbe frustré pour on ne sait qu'elle raison. J'te raccompagne pas. Et à elle de lui tourner le dos, de partir. Tant pis pour le sommeil en moins, tant pis. Elle allait crapahuter jusqu'au Bronx et retrouver son dealer habituel, hors de question de donner sa thune à un morveux de bas étages, son ego ne s'en remettrait pas.[/b][/b]

sundays fun days