“Aiden & Amanda”

C’était une soirée habituelle au Dark Paradise. La musique battait son plein, les danseuses se déshabillaient, les clients se rinçaient l’œil, et les serveuses faisaient en sorte qu’ils aient toujours un verre dans la main. Tout était fait pour les envoûter, pour les rendre dépendants de ce lieu de luxure et de débauche. Et pendant ce temps, loin de l’effervescence de la salle principale du club, Amanda se trouvait dans son bureau. Seule. Assise sur le coin du bureau dont elle disposait, elle était en train de s’occuper des chiffres du dernier mois. Elle avait débuté son petit business illégal depuis trois longues années déjà. Elle avait commencé doucement, puis peu à peu, elle était parvenue à se faire une place de plus en plus importante dans ce milieu difficile. Particulièrement pour une femme, d’ailleurs. Mais elle n’était pas n’importe quelle femme, Amanda. Elle avait une certaine poigne, une morale parfois douteuse mais elle était fiable et surtout, elle avait des principes auxquels elle se tenait. Elle savait, aussi, s’entourer de personnes auxquelles elle pourrait se fier. Elle était d’un naturel prudent, méfiant même. Elle mettait beaucoup de temps à accorder sa confiance. Qu’il s’agisse de ses danseuses avant de les faire entrer dans le réseau, des hommes de main dont elle pouvait avoir besoin de temps à autre, ou de n’importe qui d’autre qui était mêlé de près ou de loin à ses trafics. Et elle s’attendait toujours à se faire trahir, pour ne jamais être prise de court. Le seul en qui elle avait réellement confiance, au fond, c’était Aiden. Il était particulier, Aiden. Grand baron de la drogue, il était parvenu très jeune à se faire une réputation prestigieuse, si l’on peut dire, dans cet univers dans lequel il était pourtant si difficile de se faire un nom. Il était prêt à aller loin, lui aussi. Irrémédiablement, un business avait fini par les lier. Mais il y avait autre chose, elle ne pouvait pas le nier. Il était aussi sombre qu’elle, mais il avait aussi un côté bien plus paradoxal, tout comme elle. Ames tourmentées, esprits maudits ou simplement des malchanceux qui avaient su trouver leur chance par leurs propres moyens, ils se ressemblaient indéniablement. Il était sans doute la personne qui la connaissait le mieux en réalité. Et pourtant, il en savait si peu sur elle, sur sa vie passée. Mais il avait compris les deux facettes de sa personnalité bien mieux que d’autres. Surement parce qu’il était pareil, au fond. Si elle était quelqu’un de normal, elle aurait dit de lui qu’il était son meilleur ami. Elle aurait même pu dire qu’il était son autre. Son masculin, son double, sa moitié peut-être même. Mais elle en dévoilait trop peu sur ses sentiments pour le formuler un jour. Cette semaine, Aiden était d’ailleurs censé passer pour lui faire son ravitaillement habituel. Il venait à un rythme plutôt régulier mais il était rare qu’il l’informe à l’avance du jour exact où il passerait, accompagné ou non de ses hommes. Peut-être ne le savait-il pas lui-même avant. Et cela préservait sans doute l’effet de surprise. Il était l’une des rares personnes qu’elle avait toujours envie de voir. Mais justement alors qu’elle terminait ses comptes, une cigarette entre les lèvres, la belle entendit taper à sa porte. Elle releva les yeux du papier qu’elle tenait encore entre ses mains, remarquant alors l’une de ses serveuses à l’entrée de la pièce. – Monsieur Pierce est là. Hochant simplement la tête, Amanda n’eut pas besoin de réfléchir avant de lui donner sa réponse. – Fais-le venir. demanda-t-elle à son interlocutrice qui partit aussitôt s’exécuter. Amanda, quant à elle, aspira une nouvelle bouffée de ce poison qui allait surement finir par la tuer à force d’en abuser. Mais il fallait bien mourir de quelque chose, hein. La jeune femme laissa gracieusement échapper la fumée de ses lèvres en attendant son acolyte le plus précieux. 

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“Aiden & Amanda”

Sa relation avec Aiden était particulière. Sans forcément se livrer entièrement à des confidences intimes et personnelles, elle avait cette sensation qu’il la comprenait. Et être comprise, pour une femme aussi marginale et différente qu’Amanda, c’était un luxe auquel elle avait rarement droit, si ce n’était jamais. Mais, entre eux, il y avait cette complicité naturelle, cet attachement tacite mais si fort. Et, au fond, elle savait qu’elle était capable de tout pour lui. Au même titre qu’il était incontestablement la seule personne en qui elle avait totalement confiance. Il y avait aussi Calista, mais Calista était sa petite sœur. Le sang les liait. Avec Aiden, ils s’étaient choisis, sans vraiment se choisir non plus. C’était là, tout simplement. Et c’était ça le plus beau.  C’était ce lien si unique qui le rendait si important aux yeux de la jeune femme. C’était également grâce à ce lien précieux qu’elle était toujours heureuse de le voir. Et, ce soir, une nouvelle fois, elle ne pouvait nier que retrouver ce visage familier lui faisait plaisir. Cela lui faisait du bien, même. Au fil du temps, il était devenu un repaire dont elle n’avait aucune envie de se passer, elle qui ne s’attachait pourtant à personne. Mais tout le monde avait besoin d’une source de vie, même Amanda Kendall. Et elle l’avait trouvée chez le beau brun. Comme toujours, quand il ouvrit la porte de son bureau sans attendre de réponse de sa part, elle sentit cette petite lueur chaude et agréable dans son cœur. Celle que tout un chacun ressentait face à un être cher, surtout passés quelques jours leur dernière rencontre. Mais celle qu’elle, elle ne ressentait que trop rarement. Son regard croisa d’abord celui d’Aiden avant de contempler son visage. Les cheveux humides à cause de la pluie, les yeux ténébreux, il avait ce charisme qu’elle lui avait tout de suite trouvé. Si leur amitié n’était pas aussi essentielle à ses yeux, elle lui aurait sauté dessus depuis longtemps déjà. Mais elle sortit de ses pensées en entendant la voix du jeune homme s’adresser à elle. Ce ne fut qu’à cet instant qu’elle remarqua les boîtes de pizzas qu’il avait dans les bras. Après Graham ou Staz, il s’y mettait aussi. A croire que tous les hommes de sa vie avaient décidé de la nourrir sans lui demander son avis. Ils avaient raison au fond, parce qu’elle ne prenait jamais vraiment la peine de manger  d’elle-même. Ancienne danseuse étoile, elle avait appris très vite à suivre un régime alimentaire extrêmement rigoureux. Elle avait arrêté la danse, mais certaines habitudes resteraient toujours ancrées en elle. Et celle-là en faisait partie puisqu’elle n’avait que très peu d’appétit, à ce niveau-là en tout cas. La belle laissa un léger sourire se dessiner sur ses lèvres en l’entendant s’excuser. Il pouvait bien se rassurer, elle ne savait de toute manière jamais quand il viendrait. Cela aurait pu déranger certains, mais elle aimait ce mystère. Il était la jolie surprise de sa semaine, le rayon de soleil inattendu dans un ciel souvent trop gris. Cigarette toujours au bec, elle saisit les boîtes de pizzas des mains de son ami pour le débarrasser et les posa nonchalamment sur son bureau tout en répondant à sa question. – Tu t’es fait désirer. C’était sa manière à elle de lui dire que oui, elle était contente de le voir. Et même qu'il lui avait manqué. Au fond, le ravitaillement de drogue, ce n’était qu’une excuse. Les gens normaux se contentaient d’un café, mais ils n’étaient pas des gens normaux. Attrapant sa clope, elle laissa échapper la fumée de ses lèvres avant de plonger son regard océan dans celui d’Aiden. – Tu veux que mon bureau sente la pizza pendant une semaine ? Et ça, c’était sa manière à elle de le remercier d’avoir apporté à manger. Elle était un peu spéciale, Amanda. Et encore, avec lui, elle savait mieux se révéler qu’avec n’importe qui d’autre. Ouvrant la première boite de pizza à sa portée de sa main libre, elle sentit directement l’odeur qui s’en dégageait. Elle récupéra également deux verres dans une étagère tout en reprenant la parole. – Alors, quoi de neuf ? Tout en laissant à son interlocuteur le temps de répondre, réellement intéressée par sa vie, elle posa les verres sur son bureau pour leur servir du whisky sans prendre la peine de lui demander ce qu’il désirait boire. Elle connaissait ses goûts maintenant. Et surtout, elle le connaissait, lui.  

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